La Parade « Tout autre chose » a réuni ce dimanche 29 mars près de 20.000 citoyens avides de changements profonds dans notre société. Malgré la « drache nationale », la parade fut festive, inventive, chaleureuse, colorée, occasion d’échanges riches et prometteurs. Presqu’à la tête du cortège, un groupe était réuni autour du projet d’une « tout autre école » [1]www.toutautrechose.be.
Ce groupe a déjà quelques réunions à son actif et il reste ouvert aux créatifs. Il a aussi un projet d’événement le 27 septembre. Ca phosphore, ça débat, ça imagine ferme ! Parmi les contributions au débat, celle de Bernard Delvaux qui avait marqué les esprits en novembre dernier au colloque du Girsef « L’école bientôt hors-jeu ? » [2]Sur le site du Girsef, L’école bientôt hors-jeu ? Texte « Délester et enrichir le cursus commun ». Aussi, après avoir évoqué sur ce blog quelques réflexions solides de Morin et Meirieu, je propose quelques-unes des idées-choc de B. Delvaux. Pour donner envie de rejoindre la dynamique « une tout autre école » ou pour signaler qu’il existe d’autres lieux que les caucus du « pacte » pour sortir notre système de sa morosité et de sa logique sélective.
Indispensable : des fondations solides, des finalités qui serviront de ligne de conduite pour tout le reste de l’édifice. « L’émancipation de chaque individu et sa responsabilisation ». Termes en tension : « il s’agit à la fois de délier et relier, de libérer des liens et de mettre en lien …. C’est aussi placer au centre la question du rapport à autrui ». Si on prend cela au sérieux, on est parti pour une vraie révolution ! Attention, dans les missions de l’école (1997), on parlait déjà « émancipation de tous » dans les objectifs. Mais plus rien après, sinon des compétences à toutes les sauces. Un système qui a continué à sélectionner, éliminer, gaspiller les talents et massacrer les enfants des pauvres.
Tout au contraire, B. Delvaux articule étroitement la pédagogie et les parcours scolaire à la poursuite des finalités. D’où de profondes transformations. Je passe hélas trop rapidement en revue ses propositions qui méritent toutes lecture attentive et débat. Des implications pédagogiques des finalités, je retiens sa référence à J. Rancière : « ce qui aliène avant tout l’individu, c’est la croyance en l’infériorité de son intelligence ». D’autres parlent du postulat de l’éducabilité de tous. Et encore, « la pédagogie doit consister à organiser le rapport à l’autre, que cet autre soit un savoir, un individu ou un contexte. Le maître a pour mission essentielle de structurer cette confrontation pour qu’elle soit bénéfique … Pour cela, il importe que, dans des groupes hétérogènes, les élèves expérimentent leur capacité à exprimer leur pensée, à la confronter à celle d’autrui, à se faire entendre et écouter sans condescendance, à être reconnus ». Prenons cela au sérieux et l’Ecole change !
Aussi les parcours proposés paraîtront iconoclastes. Plus de tronc commun suivi d’options à partir de 15 ou 16 ans. Mais un couple constitué d’un cursus commun « dégraissé » (de 3 à 22 ans !) et d’un cursus individualisé. « Parce que ce qui doit être acquis par tous dans une perspective d’émancipation et de responsabilisation doit nécessairement intégrer des compétences complexes qui ne peuvent s’acquérir avant 16 ans ». Tandis que le cursus individualisé, dès le plus jeune âge, développera l’apprentissage à des choix qui mobilisent l’apprenant.
Impossible d’entrer dans les détails de ces 2 cursus. Dire quand même que le cursus commun devrait se limiter à 3 éléments : (1) l’apprentissage des langages, (2) les compétences transversales de mobilisation de ces langages (synthétiser, structurer, décomposer, analyser, traduire des émotions, représenter, exposer, convaincre, dialoguer, ….) et (3) le rapport à l’altérité (l’autre savoir, l’autre humain, l’autre non humain). « Il y a à organiser la confrontation à l’altérité de manière telle qu’elle permette la reconnaissance de chacun, l’individualisation au sein du collectif, la réflexivité, la coopération, le débat démocratique, … ». On le perçoit sans doute, ce cursus laissera tomber beaucoup de « matières » des programmes actuels surchargés, mais il intègrera des pans entiers des rapports aux savoirs et surtout aux autres fort peu assumés actuellement.
La plupart des « matières » traditionnelles (ainsi que d’autres) pourraient être choisies selon des modalités souples et des choix personnels dans le cursus individualisé. Enfin, on pourrait prévoir des dispositifs d’échanges de savoirs et des projets collectifs et coopératifs multidisciplinaires.
De quoi, je l’espère, indiquer qu’une « tout autre école » plus adaptée aux jeunes de notre temps et aux enjeux qu’ils auront à relever est possible. A condition de s’accorder sur des finalités ambitieuses, d’y être fidèles dans tous les dispositifs à mettre en place et donc d’oser rompre avec les modes d’organisation vieux de plusieurs siècles et les discours trompeurs.