Voter, c’est injuste ?

« Voter, c’est injuste ! » s’écrie Coline (10 ans) en pleurant et en claquant la porte de rage. Le Conseil de la classe venait de voter à la majorité un changement de place tiré au hasard et obligatoire tous les 15 jours. Elle avait raison : la décision était peut-être formellement démocratique, mais elle était injuste. Au contraire, dans les Conseils d’Entreprise et dans la plupart des organes paritaires (c’est-à-dire, les organes de négociations entre employeurs et employés), toutes les décisions doivent se prendre à l’unanimité, au consensus ! On est obligé de discuter jusqu’à ce qu’on trouve un compromis commun puisque les deux parties ont à y gagner à trouver un accord pacificateur. Pour décider dans un groupe, il faut faire l’un ou l’autre : voter (avec différentes procédures et différentes majorités) ou bien chercher le consensus, trouver la solution qui fera l’unanimité. Voter est toujours plus rapide et plus efficace à court terme. Chercher le consensus est toujours plus lent et plus ardu, mais souvent plus efficace à long terme. Et les deux correspondent à deux opérations mentales (distinguer / associer), deux logiques (opposer / combiner), deux philosophies (exclure / unir), toutes deux aussi vitales, aussi fondamentales, aussi nécessaires l’une que l’autre. Il faut parfois associer, combiner, unir, chercher le consensus et il faut parfois distinguer, opposer, trancher par le vote. Et il est difficile de dire quand faire l’une et quand faire l’autre. Ce qui est certain, c’est que lorsqu’on tranche entre différentes possibilités, on en choisit une et on exclut les autres et, ce faisant, on risque aussi d’exclure ceux qui les portaient. On risque de les écarter en même temps qu’on écarte leur choix ; on risque d’affaiblir leur potentiel de coopération, de les démotiver, d’éteindre leur Désir, de leur faire savoir qu’on peut faire sans eux. Il est donc nécessaire de chercher le consensus pour tout ce qui est de l’ordre de la finalité d’un groupe, de ce qui motive le fait d’être ensemble, de tout ce qui est moteur de travail et d’implication. Ce qui est certain aussi, c’est que, souvent, par souci de ne pas blesser, par crainte du conflit, on peut chercher interminablement un consensus et ainsi décourager l’ensemble du groupe, le démotiver par des palabres stériles. Il est donc nécessaire de trancher, de voter, d’exclure dès qu’il s’agit de chercher l’efficacité à court terme, chaque fois qu’on peut dire non à une proposition tout en continuant à dire oui à celui qui l’a proposée. Cela n’est pas simple. Non seulement il faut apprendre à distinguer, opposer, exclure et apprendre à associer, combiner, unir, mais il faut encore apprendre quand faire l’un et quand faire l’autre. Bon courage.

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