Une réunion encore, une de plus, une réunion en fin de journée, hors de l’horaire, une réunion pour déplier les difficultés de Michel, 13 ans en différencié. Autour de la table, la logopède, la neuropsychologue, le père, la mère et l’enseignante.
Cinq adultes réunis pour saisir les raisons, les obstacles, les empêchements qui font que Michel n’arrive pas à se concentrer, à lire, à écrire.
Le jeune est en échec, il va droit dans le mur. L’enseignante le connait bien, elle sait qu’il est lent, elle le dit, elle sait qu’il est inattentif et déconcentré, elle le dit aussi. Elle voit Michel perdre son temps à chipoter, à rêvasser, à ne pas écouter.
Elle se pose la question, elle pose la question aux parents, à la logopède, à la neuropsychologue.
Que se passe-t-il pour Michel, pourquoi cette lenteur, ce manque d’intérêt aux choses de l’école, pourquoi ses crises, ses refus systématiques ?
Le père n’entend rien. Il trouve que son fils va beaucoup mieux, que son évolution est bonne…
La mère ne s’adresse qu’à la neuropsychologue, à celle qui est supposée savoir, à la professionnelle. Elle n’a pas été attentive aux questions que l’enseignante a posées pour ouvrir à la conversation.
Elle veut un savoir scientifique.
Entre la mère et la professionnelle, la discussion s’engage, un terme revient sans cesse.
Michel est angoissé. Le mot se présente comme une réponse totalisante, universelle, un peu comme un bouchon qui vient effacer les questions et les difficultés que Michel rencontre.
L’angoisse : le diagnostic tombe et tout paraît s’expliquer. Quand Michel se blesse le visage, quand il fait ses crises, quand il se bloque, quand il s’arrête de travailler, tout ce qui arrive à Michel est dû à l’angoisse.
La réunion se conclut. L’enseignante se retrouve avec ses questions, ses questions sans réponses qu’elle avait posées en début de réunion. Une réunion court-circuitée en quelque sorte.
L’enseignante sait que Michel ne va pas bien. Elle a un sentiment vague que rien n’a été dit, que la réunion n’a pas ouvert de nouvelles pistes, qu’elle n’a pas donné l’occasion aux cinq adultes présents de cheminer, de poser leurs questions, leurs hypothèses, leurs trouvailles.
Il est parfois nécessaire de prendre le temps pour comprendre, le temps pour saisir la complexité des difficultés scolaires que présente un jeune. Ce temps n’a pas été pris. La conclusion — l’angoisse de Michel — s’est précipitée, elle a empêché toute réflexion. Le court-circuit de ce temps nécessaire à ne pas comprendre trop vite a fait obstacle à l’objectif même de la réunion.
L’angoisse ne touche pas seulement Michel, elle surgit aussi dans une réunion trop hâtivement bouclée !