Il était une fois un petit garçon maigrichon qui n’allait pas tous les jours à l’école. Certes son école n’était pas bien jolie, ni très propre… Elle n’en était pas moins obligatoire. Le pire pour lui, c’est que ce n’était pas une école comme les autres : c’était une école d’enseignement spécialisé. Il ne l’avait pas choisie.
Chaque matin, la maman d’Hubert poussait sont petit garçon à l’école. Ou plutôt certains matins, quand elle avait su « calmer la crise »…
Ce petit garçon avait deux institutrices : une les lundis, une autre les quatre autres jours. Celle du lundi n’était là que depuis la fin du mois de novembre, elle avait fait un bébé et avait donc été remplacée du mois de septembre au mois de novembre. (Mais qui est la remplaçante de qui, du point de vue des élèves, dans ces circonstances ?) Celle des autres jours n’avait pas été là pendant un moment, une quatrième personne était venue en remplacement. Cela fait beaucoup de changements avec les efforts d’adaptation que cela demande. Et Hubert, tout ça ne le rassurait pas.
Un pas en arrière
Un lundi du mois de mars, la mère d’Hubert demande à me voir. Je cherche dans son ombre, personne en retrait. « Hubert ne veut pas venir. Je n’ai pas réussi à calmer sa crise. Il ne veut plus venir le lundi. Il ne vous aime pas. »
Gloups. Ne pas le prendre de manière personnelle : mettre les « fameuses distances ». Se rappeler la discussion avec une psychologue qui expliquait que souvent, en cas d’absentéisme en primaire, c’est révélateur d’une difficulté familiale plutôt que scolaire. La peur peut-être de laisser sa mère seule ? Oui, mais moi, c’est à l’école que je peux agir. Revoir le registre et les 38 absences comptabilisées depuis septembre, certaines justifiées par un certificat, d’autres non. Il n’y a objectivement pas que des lundis. Qu’est-ce que je peux faire pour qu’il soit plus souvent là au moins ce jour-là ?
Se rappeler que l’année précédente, on avait changé Hubert de classe au mois de décembre parce qu’il se sentait mal dans son groupe classe et avec l’enseignante, et qu’il ne voulait plus rentrer dans sa classe. Je l’avais accueilli dans ma classe pour partir deux semaines plus tard, écartée en raison de ma grossesse. C’est exceptionnel qu’on change un élève de classe au milieu de l’année scolaire. On essayait déjà de limiter son absentéisme. Mais trop dans l’urgence, en donnant l’impression qu’il suffisait de faire ce qu’Hubert voulait pour que tout s’arrange…
Un pas en avant
J’ai demandé à la maman d’Hubert de rappeler à son fils que l’école était obligatoire et de lui proposer une rencontre le lendemain pour discuter, en présence de sa titulaire, afin de ne pas lui imposer un tête-à-tête avec moi.
Hubert est venu le lendemain. On est monté, la maman est restée en bas avec l’assistante sociale. Lui que je pensais si timide était alors très franc et précis dans son langage. Il ne supportait aucune allusion à ses absences. J’ai dit que je veillerais à ne plus en faire, s’il acceptait que c’était un fait et qu’elles ne se limitaient pas aux lundis. C’était important pour moi. Je me rends compte maintenant que je ne voulais pas incarner sa peur de l’école. Je m’accrochais comme je pouvais aux dates, parce qu’elles me permettaient d’être dans de l’objectif et bien sûr aussi de me rassurer…
En discutant, il m’a dit qu’il n’avait pas aimé qu’un matin où il était là, je lui dise que j’étais contente de le voir et de pouvoir travailler avec lui. Moi qui voulais l’accueillir, je n’avais fait qu’appuyer là où ça fait mal. Quelle maladresse ! Heureusement qu’on en a parlé sinon, j’aurais certainement récidivé ! Toutefois, je lui ai expliqué qu’il était impossible d’en faire fi lorsqu’on travaillait à partir d’un texte (ou autre) vu précédemment ou lors des réactivations qu’il ne pouvait faire puisqu’il avait été absent. Notre manière de travailler allait le mettre face à cette problématique.
Depuis, il est là… Ni proactif, ni récréatif. Il écrit moins grand et suit les lignes. Ouf, mais jusque quand ?