Jaunes

Vivre une expérience sociale de recherche d’engagement à gauche en dehors de l’école.

Si on peut naitre à gauche ou naitre à droite, si cette expression a du sens, alors je suis vraisemblablement né à droite. Maman, mère au foyer, très conservatrice. Papa et ses discours anticommunistes primaires et dont le seul « acte politique » recensé était d’avoir forcé un piquet de grève.

Retour du Chili en 1970, quelques semaines avant la mort de Salvador Allende. Pour la première fois, je prends conscience qu’il existe une autre vérité que celle de papa et maman. Un peu plus tard, j’interroge : « Maman, c’est qui les jaunes ? » « Eh bien, les jaunes, c’est nous. »

Heureusement, on se construit aussi en opposition. J’exercerai une profession qui touche au social où j’enseignerai aux plus défavorisés.

Le dire, c’est bien. Mais le faire, c’est mieux ! Dans les écoles où je tombe, on ne peut pas vraiment parler d’enfants sacrifiés, mais il reste quand même pas mal de laissés pour compte, d’accidentés de l’éducation auxquels j’apporte une nouvelle lueur, un peu d’air.

Une profession de gauche ?

Le seul endroit où je me sens indispensable, c’est à l’Université du Travail de Charleroi, en section professionnelle. À la fin du semestre, l’intérim se termine :« Au revoir et merci, vous avez fait du bon boulot mais nous ne pouvons rien vous proposer pour l’année prochaine ».

En 1990 et 1995, la colère gronde et nous envahissons les rues. Entre les manifestations et les piquets de grève, à chaque assemblée générale, je plaide pour une attitude cohérente (la grève au finish). Au moment du vote, on ne demande pas « qui est pour un durcissement de l’action ? » mais « qui est pour la proposition de John ? ». Deux périodes de grands espoirs mais également deux périodes de grand découragement. La grève est finie, il faut reprendre.

Et me revoilà devant mes élèves. En fait de défavorisés, j’ai à présent en face de moi les élèves d’un collège que d’aucuns voudraient élitiste dans un quartier de plus en plus envahi par des hordes de barbares qui essayent de noyauter l’institution pour la détruire de l’intérieur (vous avez dit enseigner à gauche ?).

Puis ce sont les Rencontres pédagogiques d’été et, un peu par hasard, un stage de Pédagogie Institutionnelle. Un objectif après les 6 jours : faire un stage de niveau 2, mais pas tout de suite (disons dans 2 ou 3 ans). D’ici là, apporter mon petit caillou à l’édifice de la CGE, première organisation qui, pour moi, ne porte pas en son sein sa propre contradiction. Après contacts, je rentre dans l’équipe RPE. Je vais vivre une expérience sociale de recherche d’engagement à gauche en dehors de l’école ! Mais si l’engagement est ferme, si la volonté d’orienter les formations RPE à gauche est indiscutable, si l’objectif est bien de favoriser les changements pour l’égalité, il n’en reste pas moins vrai que l’organisation de ces 6 jours de formation intense est avant tout de la gestion pratique. Si seulement l’équipe rédactionnelle pouvait nous inviter à un de leurs weekends… Bon travail !