« On semble différents c’est évident, ensemble et différents c’est important ! » : un projet né dans un quartier où la discrimination est le lot quotidien des familles et de l’école.
Ça se passe dans une école près de la gare du Nord à Bruxelles et, comme le dit la directrice, avec un large sourire et sans arrière-pensées, ils ont la médaille d’or catégorie discrimination. Cette expression reflète bien la position de l’école qui voit la variété des réalités sociales et culturelles des élèves et de leurs parents, non comme une difficulté à gérer mais comme un atout sur les plans culturels et langagiers.
Dans cette école, on est conscient du fossé qui existe entre la culture des familles et celle de l’école, les portes de l’école sont ouvertes et celles des classes aussi. Il n’y a pas que la médiatrice scolaire qui se sent responsable du lien à construire avec les parents.
Les problèmes liés à la culture ne se posent pas tellement avec les élèves mais plutôt avec les parents qui restent groupés en communauté. Pour caricaturer, les enfants jouent avec tous, mais les mamans marocaines ne discutent pas spontanément avec les mères polonaises. Le travail interculturel se fait avec les parents par les enfants.
Depuis plusieurs années, cette école a développé de solides partenariats avec les associations du quartier, s’inscrit dans le programme LCO[1]Dans le cadre d’un partenariat entre la Communauté française et huit pays (Chine, Espagne, Grèce, Italie, Maroc, Turquie, Portugal et Roumanie), les écoles peuvent proposer des cours de Langue … Continue reading de la Communauté française, bénéficie d’un encadrement lié à sa fameuse médaille, compte parmi elle des bénévoles. Bref, l’organigramme de cette école n’a rien à voir avec un encéphalogramme plat.
Le risque, quand il y a autant de partenaires avec autant de missions liées au panel des fonctions, c’est de manquer de cohérence. Il était important de rassembler les forces autour d’un projet riche et ouvert pour que chacun puisse apporter sa spécificité. Les professeurs LCO qui travaillaient déjà en collaboration avec les six enseignantes de maternelle vont étendre la collaboration avec la médiatrice scolaire pour approfondir le travail avec les familles et avec l’animatrice lecture du partenariat Discrimination positive, pour inclure l’équipe du primaire. La directrice fera également appel à des personnes extérieures à l’école (conseillère pédagogique et responsable de l’équipe LCO) pour avoir un regard extérieur.
Chacun, selon sa mission, avait des responsabilités pour permettre au projet d’exister et d’avoir du sens.
• la directrice est garante de la liaison du projet au cadre institutionnel (décret Missions et le projet d’établissement) et de rendre possible les moments de concertation ;
• les enseignants sont les garants de l’articulation du projet, en ciblant les compétences de base (socles de compétences et programme) ;
• la médiatrice est garante du sens du projet par rapport au contexte spécifique et local : lien avec le public des élèves, le quartier, la dynamique de l’école…
Le projet se déroulera sur deux années scolaires, temps nécessaire pour la contagion du projet.
Une animatrice lecture va proposer, chaque semaine dans toutes les classes, des livres qui racontent des contes, des légendes et des histoires liées aux pays d’origine des élèves. Des histoires qui parlent des différences, des histoires qui visent l’intégration. Des histoires pour voyager dans le monde, pour comprendre différents modes de vie, pour entendre des langues inconnues, pour parler des passages et des personnages préférés. Des histoires à situer dans l’espace (lieux géographiques) et dans le temps (dimension historique). Des histoires comme point de départ pour partir à la rencontre des autres, ceux qui sont là, autour. Des histoires pour se lancer dans des discussions, des comparaisons. Des histoires qui réunissent. Un détour par des personnages avant de se centrer sur son histoire à soi et celle, collective, qui se dessine à l’école. L’animatrice passe, le titulaire est libre de rebondir ou pas, contaminer plutôt qu’imposer…
En maternelle, les institutrices, en partenariat avec la crèche Atout couleurs, ont décidé de faire avec les mamans des « sacs à lire ». Dans ces sacs, il y avait un livre avec une histoire dans la langue maternelle (celle de la chèvre et des sept chevreaux, car on la retrouve dans différents pays) et des objets liés à l’histoire. Dans la bibliothèque de la classe, l’histoire en français. Non contentes de travailler la culture littéraire des enfants, de valoriser les langues maternelles, de faire découvrir une histoire dans différentes langues, de favoriser la relation école-parents, elles ont aussi jeté un pont vers la crèche située en face de l’école. Un hasard ? Non, la directrice incite les enseignants à sortir de l’école pour faire leurs concertations dans différents lieux du quartier. Un pas. Et, comme dans la chanson, pour avancer, il suffit de mettre un pas devant l’autre.
D’autres maternelles ont travaillé, en collaboration avec des papas, une danse marocaine, une danse turque et une danse africaine. En troisième primaire, les élèves ont fait un livre avec comme contrainte que le personnage devait visiter tous les pays d’origine des élèves de la classe. Une autre classe primaire s’est penchée sur les différentes façons de se saluer dans le monde. La production finale se trouve à l’entrée de l’école avec des bonjours écrits en différentes langues.
Il y a eu un travail sur les types d’habitations, un échange avec une classe de la campagne, la réalisation d’une fresque murale (un planisphère), un projet « racines » où les enfants, via des interviews, creusent l’histoire de leurs parents.
Le livre a été utilisé comme un moyen de sensibilisation et d’encouragement à vivre différents projets. Chaque enseignant, selon ses affinités, a tiré un fil, pour tisser ensemble une toile et lutter contre la peur des autres, tricoter de la fierté pour pouvoir y broder les apprentissages, sans piquer.
Notes de bas de page
↑1 | Dans le cadre d’un partenariat entre la Communauté française et huit pays (Chine, Espagne, Grèce, Italie, Maroc, Turquie, Portugal et Roumanie), les écoles peuvent proposer des cours de Langue et Culture d’Origine à leurs élèves. |
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