Dans votre école[1]Propos recueillis par Alain Desmarets auprès de Agnès Olivier, Directrice de l’école maternelle et primaire de Jumet, le problème des chips et des canettes ne se pose pas. Or il se pose dans beaucoup d’écoles. Quel cheminement avez-vous fait pour y apporter une réponse satisfaisante ?
D’abord, je dois dire que c’est venu naturellement, sans combat, sans se mettre en campagne. Il y a sans doute un ensemble de facteurs qui ont joué. Ce fut d’abord le souci des enseignants qui est devenu également celui des éducatrices. Leur présence et leur disponibilité ont permis de prolonger le travail des enseignants. Elles sont là pendant le temps de midi, observant et accompagnant les enfants, établissant le contact avec les parents à 4 heures si nécessaire. Elles ont, par exemple, décidé de ne jamais forcer un enfant à manger son piquenique, mais, à l’aide d’un petit papier préparé, informent les parents du fait que l’enfant n’a pas voulu manger ses tartines. ” Il dit ne pas aimer, il dit ne pas avoir faim ou il se sent souffrant “. Ce papier est mis dans la boite à tartines si les éducatrices ne voient pas les parents à 4 h. Cette démarche, anodine en apparence, est le résultat de tout un travail de réflexion et de formation basé sur ces questions fondamentales : quel est notre rôle et celui des parents ? Quand et comment faut-il intervenir sans se substituer à leur responsabilité ? Ces petits papiers illustrent cette volonté d’informer les parents, de les (re)mettre en contact avec ce que vivent leurs enfants.
Vous faites aussi signer les parents un engagement à ne pas apporter de chips !
Dans notre règlement d’ordre intérieur, nous avons inclus un chapitre Engagement des parents. Ce chapitre parle des absences et arrivées tardives, de la sécurité des élèves (les rangs et les voitures), de l’assurance, de la communication, de l’adhésion à nos projets, de la santé et de l’hygiène. Ce dernier point précise : ” Nous vous invitons à proposer des boissons et des aliments sains à vos enfants pour les récréations et les temps de midi. Le mercredi a été choisi comme journée sans déchet à l’école. Chaque mercredi, l’enfant viendra donc à l’école avec un fruit, un légume,… à manger à la récréation. Pour une hygiène alimentaire équilibrée, nous n’autorisons pas les chips, les chewing-gums, les sucettes (également pour des raisons de sécurité) et toute friandise trop colorée ou à sucer trop longtemps. Nous vous décourageons de lui donner des boissons trop sucrées (coca, limonade,…) et des berlingots (encombrants dans les poubelles, canalisations régulièrement bouchées, gros gaspillage). Nous interdisons les canettes (également pour des raisons de sécurité). Nous vous encourageons à utiliser des boites à tartines réutilisables (plus sain, plus économique et plus respectueux de l’environnement). Nous proposons qu’à midi, les enfants boivent de l’eau (gourde ou bouteille en plastique). Une fontaine d’eau est accessible pendant toutes les récréations. ”
C’est un peu fort, vous n’avez pas de réactions de parents qui s’opposent à ces interdits ? Les chips sont quand même une solution de facilité quand on n’a pas prévu de piquenique, non ?
Et bien non, bizarrement ! Je dirais même que depuis que c’est écrit noir sur blanc, c’est un soulagement. C’est grâce au dialogue des enseignants et des éducatrices que les parents se rendent compte de notre souci. On est loin de faire la morale aux gens. On prend position face à ce problème social, comme on prend position face à l’éducation et au comportement des enfants. Tout n’est pas permis. Les éducatrices ont été formées (avec le soutien financier de l’école) à l’animation en milieu extra-scolaire, et à la Croix-Rouge pour les « bobos ». Elles participent aux réunions de parents, un cahier de communication entre les classes et les surveillantes du temps de midi permet de transmettre les informations importantes (absences, maladies), mais aussi de se rencontrer en cas de difficulté avec un enfant. Elles font vraiment partie de l’équipe.
Je crois que ce qui a mis les choses en route, c’est ces fameux mercredis sans déchet. Cette action faisait suite à un travail de recherche des 4e primaires à propos des déchets et de leur traitement. Ce travail a abouti à une campagne de sensibilisation et à la mise en place de cette action, très bien accueillie et qui depuis, s’est installée comme habitude, sans difficulté.
Une dernière chose qui rend cette attitude « naturelle » est la préparation des collations chez les petits en maternelle. Chaque jour, une puéricultrice prépare avec 5-6 enfants la collation pendant un atelier qui se termine à 10 h 10, l’heure de la récréation. Un jour fruits, un jour tartines, un jour salé, un jour yaourts et un jour « cuisson ». De plus, une fois par mois, on fait des gâteaux pour fêter tous les anniversaires du mois ! En 2e et 3e maternelles, les enfants prennent leur collation en classe et les enseignants rappellent aux enfants ce qui est bon et moins bon pour leur santé. Un petit journal mensuel rappelle ces principes aux parents, donnent des conseils et des recettes pour la préparation des 10 heures. Mais, je le rappelle, c’est grâce à ce climat de communication permanente que les choses s’installent. Surtout pas par la mise en place d’injonctions guerrières « On part en combat, en campagne ». Le travail en profondeur se fait dans la sécurité, le temps, l’information et la formation.
Notes de bas de page
↑1 | Propos recueillis par Alain Desmarets auprès de Agnès Olivier, Directrice de l’école maternelle et primaire de Jumet |
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