Contraintes constructivistes

Propos recueillis auprès de Alain Berteau par Alain Desmarets

Vous êtes architecte et à ce titre, vous travaillez sur la construction « en dur » d’une école fondamentale communale à Louvain-la-Neuve, en remplacement des bâtiments temporaires qui l’accueillent actuellement.

En effet, il a donc fallu tenir compte de ce qui existait déjà, c’est-à-dire des limites du terrain, de sa situation, de l’ensoleillement, du sol, de l’environnement, de l’accessibilité, des parkings. Le projet est de faire une école économe en énergie, dont l’orientation des bâtiments tient compte de l’ensoleillement, tant pour l’éclairage que pour le chauffage. Mais aussi en choisissant des matériaux naturels, comme l’ardoise, la pierre bleue pour le sol, le bois pour les murs, couvrir les plafonds d’héraclite, matériau absorbant, isolant thermique et acoustique. Les plafonds seront inclinés pour faire rentrer la lumière. Mais ce n’est pas évident car, par exemple, les pentes idéales d’un toit en architecture bioclimatique sont de 30 degrés or la pente légale est fixée à 40 degrés ! L’urbanisme de Louvain-la-Neuve préconise l’utilisation de briques or l’architecture bioclimatique préconise de construire en sec (bois, pierre) plutôt qu’une construction humide (mortier, briques). La fabrication des briques n’est elle-même pas un exemple de respect de l’environnement. Nous nous orientons vers la construction de soubassements en brique et tout le reste en bois.

Vous ne pouvez donc pas faire n’importe quoi !

Effectivement. Il faut bien digérer les divers règlements communaux, régionaux et provinciaux. Il faut aussi tenir compte de finances communales et du cahier des charges rédigé par la Commune. Les enseignants ont ainsi été associés à la définition de ce cahier.

En quoi consistait-il et quelle collaboration avez-vous établie avec les enseignants ?

Il y avait principalement la définition du nombre de locaux et leur(s) attribution(s). Mais aussi des souhaits très précis tels que la présence d’une toilette et d’un évier par classe. L’organisation des « baraquements » actuels (en U autour d’une cour centrale) est une demande des enseignants et possède toute une série d’avantages. C’est un espace collectif vers lequel s’ouvrent toutes les classes. Cela implique une architecture de plain-pied, sans hiérarchie dans les bâtiments qui permet d’illustrer l’accessibilité, la cohabitation du collectif (la cour) et du cocon nécessaire d’un local classe. De plus, les enseignants préfèrent voir les couloirs, abrités, bien entendu, à l’extérieur des bâtiments, et ainsi réserver le cubage maximum autorisé pour les locaux.

Cet espace commun, cette cour au centre des bâtiments à vocation scolaire sera verdoyante, calme et naturelle. Ce sera une cour « végétale ». Elle sera prolongée par un espace plus « minéral » fait d’une cour pavée, bordée de bâtiments consacrés aux services de garderie, repas, salle de gymnastique, locaux accessibles aux activités de quartier. Cette cour publique, sportive, sera elle accessible au quartier tandis que l’école-parc ne le sera pas.

Et pour l’intérieur des classes, êtes-vous venu vous rendre compte sur place des besoins des enseignants ?

Oui, bien sûr. J’ai surtout passé du temps en maternelle car j’ai été frappé par la variété des agencements, alors que le projet pédagogique est commun. C’est intéressant de constater à quel point la variété et la souplesse évitent de figer un fonctionnement. Mais pour un architecte, il faut donc envisager et prévoir cette souplesse par la mobilité (le terme est bien adapté !) du mobilier (modules déplaçables, tables et chaises). Ce qui m’a frappé aussi, c’est d’une part la cohabitation entre espaces calmes, rangés, encourageants la concentration et lieux explosifs, mouvants, encourageants le mouvement, et d’autre part la cohabitation entre espaces collectifs, partagés et lieux, coins intimes et protégés. Je suis impressionné par la quantité et la qualité des rangements nécessaires. Les classes maternelles disposeront chacune d’une petite cuisine.

Ce qui est commun à toutes les classes, primaires et maternelles, c’est l’importance de l’accès à l’eau, aux toilettes, la présence d’un coin salon. L’entrée dans la classe est aussi importante : c’est un lieu de décompression entre la cour et la classe. Il doit être identifié et suffisamment grand pour déposer son manteau mouillé, son cartable, son pique-nique, ses sacs de gym ou de piscine, enlever ses souliers sales, les ranger, prendre ses pantoufles et donc pouvoir s’assoir. Cela n’a l’air de rien mais l’entrée en classe conditionne l’esprit dans lequel les enfants se regroupent au coin-salon ou autour des tables de la classe. Je suis frappé par l’importance de l’identification des fonctions des différents lieux. Ainsi, chaque local sera identifiable par une couleur dominante présente sur les portes et dans certains meubles. Cette couleur sera visible de partout dans la cour végétale par de grandes baies vitrées. Ce qui permettra aux tout petits de se situer, de se déplacer de façon autonome.

Quand l’école sera-t-elle terminée ?

Difficile à dire ! Pour le moment, après que le projet ait été accepté par le Conseil communal, on vient d’obtenir l’accord de principe de la Communauté sur la subsidiation. L’avant-projet doit passer à la Province pour l’obtention du permis de bâtir. Une fois celui-ci obtenu, il va falloir trouver un financement (la Communauté française ne subsidie que 60 %), rédiger les cahiers des charges pour les différents corps de métier pour les appels d’offre publics qui obéissent à des règles très strictes, choisir les entrepreneurs. Il y aura au moins une année de chantier. Il est impossible actuellement de préciser le début des travaux. Ils se feront en trois phases pour permettre de loger les classes démolies tout en construisant les nouveaux locaux. Tout ça prendra à mon avis encore bien cinq ou six ans avant que ce ne soit terminé !

Bien sur son pot, bien dans sa classe
Bien sur son pot, bien dans sa classe