Décret Inscriptions : gare aux dérapages !

CGé, Changements pour l’égalité, mouvement sociopédagogique s’inscrit résolument dans la dynamique du projet de réforme des modalités d’inscription des élèves en Communauté française.

Ce projet participe pleinement à la mise en œuvre de la priorité 9 du Contrat pour l’Ecole « Non aux écoles ghettos ». Il faudrait être aveugle pour nier que notre système d’enseignement renforce les inégalités sociales de départ. Les constats tout comme les causes des ségrégations scolaires ont maintenant été suffisamment documentés.
Tout comme le précise l’exposé des motifs de ce décret, nous estimons que l’amélioration de la qualité, de l’efficacité et de l’équité de notre Ecole passe par des stratégies complémentaires, étalées dans le temps. Cet avant-projet de décret n’est qu’une pierre à apporter à la lutte contre les inégalités scolaires ; d’autres pistes doivent être explorées parallèlement. Nous pensons particulièrement à un financement différencié en fonction de l’origine sociale des élèves.

Ce projet déchire le monde de l’enseignement pour des raisons bien compréhensibles, il touche à l’un des fondements de notre système éducatif : la liberté de choix des parents. Il touche également au projet culturel de l’Ecole : son rôle dans la construction du vivre ensemble. L’Ecole est ce lieu unique où des individus qui n’ont pas demandé à être ensemble, se retrouvent en situation d’apprentissage. Notre Ecole, par une trop forte homogénéisation des publics scolaires (écoles pour riches d’un côté, écoles pour pauvres de l’autre), va à l’encontre de sa mission émancipatrice et du projet de cohésion sociale.

En tant qu’acteurs engagés dans la lutte contre les inégalités scolaires et sociales, nous interpellons les personnes qui ont pris récemment la parole.

Aux parents, porteurs de pétitions s’opposant au décret : vous vous déclarez en faveur de la mixité sociale, mais que proposez-vous concrètement pour l’atteindre ? Qu’entendez-vous par le fait que la mixité sociale doit faire l’objet d’un consensus entre parties prenantes ? N’est-il pas plus facile de tenir ce discours uniquement quand on est du bon côté ?
D’un point de vue pédagogique, ce projet présente l’avantage, douze ans après le lancement de l’Ecole de la Réussite, d’organiser enfin une scolarité par cycle qui assure une continuité des apprentissages, favorable à la réussite scolaire des élèves. Vous semblez l’ignorer.
Invoquer sans cesse la liberté constitutionnelle de l’enseignement devient risible quand elle est partisane. Qu’êtes-vous prêts à faire pour que l’Ecole assure une réussite à tous les enfants et pas uniquement aux vôtres ?

Aux enseignants relayant les dites pétitions : pensez-vous vraiment que l’objectif du Contrat pour l’Ecole soit de démanteler l’enseignement, de niveler par le bas ? Pour prendre conscience de l’état préoccupant du système scolaire, il faut accepter de sortir de son école, de son quartier. Il faut aller voir ce que sont devenus les élèves qui ont quitté les « mauvaises » écoles. Ce qui est au cœur du métier d’enseignant, ce pour quoi ils sont mandatés, est d’apprendre à tout le monde, par conséquent de réussir à instruire et socialiser les plus démunis, pas de les exclure.

Au gouvernement et aux signataires du Contrat pour l’Ecole : aurez-vous le courage d’aller au bout de vos choix politiques ? Les auteurs d’un rapport interuniversitaire sur les bassins scolaires vous incitent à aller plus loin en préconisant un ‘traitement collectif des préférences’ (cf. leur carte blanche dans Le Soir du 07/02/07) : un tel système offre l’avantage de mieux protéger les familles défavorisées des pressions dissuasives qu’exercent nombre d’écoles, sous couvert de « bons conseils » … et celui de décharger les écoles du poids administratif des inscriptions. Les familles le seraient aussi car elles feraient l’objet d’un traitement plus juste. En même temps, il vous faut entendre les craintes légitimes des acteurs de terrain car les changements souhaités ne se feront pas sans leur adhésion.

Le Contrat pour l’Ecole existe depuis deux ans maintenant et a enfoncé certains coins dans la lutte contre les inégalités. Il suscite un débat idéologique qui va bien au-delà de la sphère éducative ; tout en gardant le cap initial, veillons à ce qu’il ne devienne pas une foire d’empoigne qui réduirait à néant des objectifs pourtant souhaités par tous au moment de la signature de la déclaration commune.

Pour info, Rudy Wattiez, secrétaire général, (0497/252278)