C’est un véritable bombardement qu’ont subi les auditeurs des radios de la RTBF pendant ce congé de Toussaint : un centre de coaching scolaire se présente comme le sauveur des parents qui ne se sentent pas « à la hauteur » pour suivre leurs enfants dans leurs tâches scolaires.
ChanGement pour l’Egalité, mouvement socio-pédagogique ne peut que réagir vivement.
D’une part, le message de cette publicité tient pour acquises l’existence et l’importance du travail scolaire à domicile pour la réussite des études ainsi que la responsabilité des parents dans l’apprentissage des matières scolaires.
D’autre part, le fonctionnement d’un tel centre de coaching implique des choix que nous refusons et dénonçons. Le travail individuel, à la maison, prend le pas sur le travail collectif, en classe ; la responsabilité des parents est transformée en culpabilité, tout en offrant une possibilité de se débarrasser du problème en le confiant à quelqu’un d’autre contre rémunération. Ce qui a pour conséquences que les inégalités sociales sont davantage traduites en inégalités scolaires.
Ces constats posent un certain nombre de questions aux différents acteurs en jeu.
Pourquoi le politique n’arrive-t-il pas à mettre en œuvre un système qui assure réellement la réussite pour tous ?
A ce jour, le système scolaire en Communauté Française reste fondamentalement sélectif et inégalitaire. Les tentatives politiques visant des pratiques d’inscription et d’enseignement plus démocratiques rencontrent la résistance de ceux qui croient que l’école inégalitaire actuelle leur est profitable. Des efforts ponctuels existent mais sont freinés par l’inertie du système qui renâcle à changer.
Qui est responsable de ce que les élèves apprennent ?
La réponse de CGé est claire : c’est le rôle de l’Ecole. Les parents peuvent aider à assurer les conditions favorables mais ils ne sont pas responsables de l’apprentissage lui-même. En demandant aux familles de prendre le relais de l’école au niveau des travaux à domicile, on reproduit les inégalités sociales car on sait très bien que tous les parents ne peuvent le faire de la même façon. Ce faisant, on produit échec, mésestime de soi, décrochage, et donc à terme violence.
Si l’école est pleinement responsable des apprentissages, elle doit aussi assurer l’accompagnement des élèves en difficulté et il n’y a pas de raison d’externaliser ce travail.
Or nous assistons actuellement à une médicalisation excessive des difficultés d’apprentissage diagnostiquées comme « troubles de l’apprentissage ». Cela conduit à une stigmatisation des élèves en difficultés, une déresponsabilisation des enseignants et une culpabilisation des parents qui, affolés, recherchent une aide externe à l’école.
Si, dans un certain nombre de cas, le recours à une aide individualisée auprès de spécialistes (logopède, médecin, psychologue, psychiatre…) se justifie, il est tout à fait malhonnête de faire croire à des parents qu’une aide à domicile par des étudiants sans formation pédagogique puisse assurer la réussite de leurs enfants.
Comment les enseignants peuvent-ils intégrer la remédiation dans les classes et les écoles ?
Le tout récent rapport général de l’inspection met en avant l’indiscutable effort réalisé par les enseignants pour apporter l’aide nécessaire aux élèves en difficulté au sein des établissements.
Un travail considérable doit encore être fourni par les enseignants et les chercheurs pour construire des séquences d’apprentissage qui prennent en compte les difficultés des élèves qu’elles soient liées aux savoirs enseignés ou au rapport au savoir des élèves issus des milieux populaires.
Il n’est donc pas question de faire plus, mais de faire autrement.
Comment les parents peuvent-ils modifier la situation ?
Face à la compétitivité qui atteint tous les niveaux de la société, chacun craint de n’être pas à la hauteur dans son travail et use de tous les moyens pour favoriser la réussite de ses enfants, reproduisant à cette échelle les mécanismes de la société néo-capitaliste.
Or, en Belgique, l’enseignement obligatoire est gratuit. Les parents quels que soient leurs moyens ne doivent donc pas payer pour que leurs enfants apprennent. Et cela d’autant plus qu’il n’y a aucune raison de faire plus confiance à des coachs inexpérimentés qu’à des enseignants dont c’est le métier. Il faut donc, en tant que parent et citoyen, trouver le courage de renvoyer à l’école sa responsabilité dans l’apprentissage des enfants.
En conclusion, nous insistons auprès de tous les acteurs immergés, ceux qui se mouillent au quotidien pour éduquer la jeunesse, ceux du dessous de l’iceberg, parents, enseignants, politiques, syndicalistes, médias de service public [1]Nous avons été d’autant plus choqués que c’est la RTBF qui promeut un message qui nie la qualité de service public de l’enseignement., pour que cette pointe émergée de l’iceberg, ce coaching payant externe, n’ait plus de raison d’être. Nous voulons que l’Ecole soit réellement un lieu d’émancipation pour tous et refuse les logiques de sélection qui traduisent les inégalités sociales en inégalités scolaires.
Anne Chevalier, Secrétaire générale CGé
Sandrine Grosjean, permanente CGé
Pour l’équipe politique de CGé
– Parution dans Le Soir sous le titre : Le coaching payant fâche les profs, le 18/11/2010.
– Parution dans La Dernière Heure sous le titre : Les leçons privées fâchent les enseignants, le 18/11/2010.
– Parution dans L’ Avenir sous le titre : Les leçons privées fâchent les enseignants, le 18/11/2010.
Notes de bas de page
↑1 | Nous avons été d’autant plus choqués que c’est la RTBF qui promeut un message qui nie la qualité de service public de l’enseignement. |
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