Pour que l’égalité des chances ne soit plus un mythe : un plan d’urgence pour les écoles fondamentales en milieu défavorisé

Les débats récents autour de l’école et la publication des indicateurs de l’enseignement l’ont rappelé avec force : ce qui caractérise l’enseignement de la Communauté française, c’est l’importante inégalité de résultats entre élèves, la relation forte entre les parcours scolaires des élèves et leur origine socioculturelle, et la ségrégation entre établissements. Ces trois phénomènes, on le sait, sont d’ailleurs étroitement liés l’un à l’autre.

Cette situation est clairement problématique. Elle est problématique pour tous les individus qui ne sortent pas de l’école avec un bagage culturel minimum qui leur permettrait de s’épanouir sur le plan personnel, citoyen et professionnel. Elle est problématique sur le plan collectif, car il n’est évidemment ni acceptable ni souhaitable qu’un grand nombre d’individus soient exclus de l’école d’abord, du marché du travail ensuite. Enfin, cette situation est lamentable en termes de développement culturel et économique, car tous les élèves laissés pour compte sont des talents potentiels qui ne sont pas valorisés. C’est probablement le caractère cumulatif et massif de tels arguments qui explique le soutien d’une importante partie de la population et de la plupart des responsables scolaires au projet d’une Ecole plus juste.

Des solutions raisonnables ont été proposées pour remédier aux problèmes actuels. Notre plateforme notamment, mais beaucoup d’autres acteurs aussi, ont plaidé pour une prolongation du tronc commun d’enseignement jusque 15/16 ans et pour des mesures visant à accroître la mixité sociale dans les écoles. Toutes les études internationales montrent en effet que les pays qui ont un tronc commun plus long (pas de filières technique ou professionnelle avant 16 ans) et des écoles plus hétérogènes sont non seulement plus égalitaires mais aussi, dans la majorité des cas, plus efficaces. Ils sont en tout cas plus ambitieux pour tous leurs élèves pendant plus longtemps. La Ministre Arena a d’ailleurs timidement défendu plusieurs initiatives qui vont dans ce sens. Ces initiatives rencontrent cependant systématiquement des oppositions. En quelque sorte, les opposants à la mixité sociale affirment qu’il y a de trop grosses différences entre écoles pour que l’on puisse contraindre les familles à aller dans une école qu’elles ne choisiraient plus. Et les opposants à la prolongation du tronc commun affirment que les différences entre élèves à la sortie du primaire sont d’une telle ampleur qu’il n’est pas possible de les scolariser tous dans un même programme.

Les inégalités actuelles semblent être ainsi devenues l’argument majeur qui permet de repousser une politique plus égalitaire (et probablement plus efficace). Pour éviter qu’un tel argument ne soit mobilisé indéfiniment, il nous semble qu’une politique s’impose : une lutte radicale pour l’amélioration de la formation dans toutes les écoles primaires afin de garantir une réelle base commune à tous les élèves en fin de primaire. Dès lors, nous plaidons pour que la Communauté française initie dès la présente législature un plan d’urgence pour les écoles fondamentales accueillant des élèves défavorisés dont l’objectif soit d’amener progressivement et rapidement tous leurs élèves à la maîtrise effective des socles de compétences. Un tel plan devra cibler les écoles les plus défavorisées. Des moyens exceptionnels seront accordés à ces écoles afin de les soutenir sur différents registres, car on sait que de tels plans ne sont efficaces que si l’on agit simultanément sur plusieurs paramètres.

Nous proposons dès lors la mise en œuvre d’un programme qui agisse simultanément sur les paramètres suivants :
– les infrastructures de ces écoles seront rendues plus fonctionnelles et attractives ;
– l’équipement pédagogique sera facilité et l’accès aux manuels scolaires sera gratuit ;
– les équipes éducatives seront renforcées et accompagnées sur le plan pédagogique ;
– un pool d’enseignants remplaçants sera disponible pour ces écoles de manière à garantir qu’une classe ne reste pas plus d’un jour sans enseignant, même en cas de congé de maladie ;
– des efforts de communication et de promotion de ce plan seront menés afin d’attirer vers ces écoles des chefs d’établissement et des enseignants expérimentés qui les ont choisies ;
– des moyens spécifiques seront affectés à l’organisation de temps d’accompagnement des devoirs et de remédiation au sein de ces établissements ;
– un soutien sera apporté au pilotage des ces établissements et au développement d’une évaluation interne ;
– le partenariat avec les familles et le milieu associatif local sera renforcé.

Chaque année, en s’appuyant sur des épreuves externes, les progrès des élèves seront évalués. Cette information sera communiquée aux Pouvoirs organisateurs et aux équipes éducatives et servira de base à une évaluation de la situation dans chaque établissement d’une part, au pilotage de l’ensemble du programme d’autre part. Le but de ce plan est d’améliorer les performances des plus faibles pour que tous les élèves soient capables de s’intégrer dans un tronc commun au niveau du secondaire. C’est le droit de tous les enfants.

Pour la plateforme associative de lutte contre l’échec scolaire : Philippe Schwarzenberger – Président de la FAPEO Rudy Wattiez & Benoît Galand (CGé, Changements pour l’égalité, mouvement sociopédagogique) LA CODE (Coordination des ONG pour les droits de l’enfant) Jean-Pierre Kerckhofs (Président de l’APED) Frédéric Ligot (CIEP-MOC) Alain Leduc et Daniel Fastenakel (Co-Présidents de Lire et Ecrire – Bruxelles) Catherine Stercq (Co-Présidente Lire et Ecrire – Communauté française) Jean-Pierre Coenen (Président de la ligue Droits de l’Enfant) Vincent Dupriez, Professeur à l’UCL, Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation Vincent Carette, Professeur-assistant Service des Sciences de l’Education, ULB Marcel Crahay, Professeur Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, Liège et Genève Prosper Boulangé – Secrétaire Général CSC-enseignement Michel Vrancken – Président de la CGSP-enseignement Joan LISMONT, Président du SEL (SETCa)