Si les jeunes encore en âge de scolarité ont le moral dans les chaussettes, les jeunes de milieux défavorisés ont, pour partie d’entre eux, disparu des radars et des écrans des cours à distance et pour certains, n’y ont jamais été présents…
On a eu beau interpeler, crier au secours, demander à tous les acteurs de l’enseignement de s’assurer que tous les élèves sont bien montés dans les barques de sauvetage, force est de constater qu’on n’y est pas du tout. Bon nombre d’entre eux — non quantifiés à ce jour — se sont noyés…
« À tous les tournants, dans tous les dossiers, on retombe sur des enjeux de réseaux… »
L’école va reprendre en présentiel pour tous, et on ne peut évidemment que s’en réjouir. Très peu de chances que les noyés remontent à bord et de fortes chances que ce soit ceux qui étaient déjà en difficultés avant le covid. Ceux pour lesquels il était et est urgent que l’école change.
Pas de solutions miracles, mais ne pas les oublier même si on n’en parle pas dans les communications publiques.
Que dire des balises pour les évaluations de fin d’année qui ont été mises par la ministre dans la circulaire 8052[1]Dispositions pour la fin de l’année 2020-2021 relatives à l’organisation des épreuves d’évaluation sommative, à la sanction des études et aux recours. ?
Qu’elles vont vraiment dans le bon sens, mais que nous n’avons, à l’heure qu’il est, aucune garantie qu’elles seront mieux respectées que la circulaire de la fin d’année passée.
On y trouve les passages suivants :
« Si cela n’a pas déjà été effectué, il conviendra également, dès le début du 3e trimestre, d’organiser des évaluations formatives et diagnostiques, afin de permettre à l’élève de se situer et, le cas échant, de mettre en place des dispositifs d’accompagnement et de soutien aux apprentissages. »
Et plus loin :
« Les modalités d’organisation de ce dialogue relèvent de la responsabilité des équipes éducatives, mais il est vivement recommandé qu’elles permettent une rencontre entre au moins un membre du conseil de classe, l’élève et sa famille. »
Et ils suscitent la réflexion suivante : est-ce que ces « vives recommandations de la ministre » — dont on ne sait pas si elles vont être respectées, au vu de la liberté pédagogique des réseaux — ne devraient pas être la norme dans un système scolaire de qualité ? Est-ce normal de ne pouvoir que recommander ?
D’autres gros dossiers continuent à cheminer et tous ont leur importance, comme autant de pièces de puzzle destinées à contribuer à réformer en profondeur notre système scolaire.
CGé n’a pas de position spécifique à faire valoir et nous avons donc décliné une invitation à participer au débat sur la question. Néanmoins, en fonction des objectifs qui sont les nôtres, à savoir la réduction des inégalités scolaires et une meilleure réussite des enfants et jeunes des milieux populaires, nous avons attiré l’attention de la ministre sur deux points :
Quoi qu’il arrive, il ne faudrait absolument pas que le temps d’activité scolaire soit encore réduit à l’occasion de cette réforme. Et s’il pouvait être augmenté, ce serait encore mieux. Les enfants et jeunes de milieux populaires ont besoin de l’école. Pour eux, le temps scolaire doit être préservé, distribué différemment et, si possible, même accru.
Les rythmes scolaires annuels sont une chose, les rythmes quotidiens et hebdomadaires en sont une autre et bien plus importante à nos yeux. La réforme prévue ne semble pas comporter ces aspects, mais ils sont pourtant bien repris dans l’avis numéro 3[2]Lire l’avis numéro 3 à la page 303..
Les syndicats ont porté une position commune qui invitait à ne pas mélanger contrôle et évaluation[3]Lire à ce sujet l’article de Pierre Waaub . Nous partageons pleinement cette position : si l’on veut que les enseignants commencent à oser mettre leurs difficultés sur la table et les travailler en équipes, l’ombre du contrôle ne peut pas planer. Comme le rappelle régulièrement Pierre Waaub, on n’est pas bon enseignant, on le devient en pratiquant et en mettant ses questions et difficultés au travail, idéalement en équipe éducative.
Tout juste adoptée en seconde lecture par le gouvernement, elle aurait dû être bouclée il y a deux ans, pour devancer le démarrage du tronc commun ou à tout le moins accompagner sa mise en place. On sera loin du compte : si elle démarrait en septembre 2022, ses premiers enseignants sortiraient diplômés au mieux en septembre 2026…
À ce stade, on ne sait toujours pas si cette réforme aura bien pris la mesure de ce qu’il faut changer dans la formation initiale des enseignants, pour qu’ils puissent traduire dans leur pratique quotidienne, cette nouvelle ambition de l’enseignement obligatoire qui est de réduire les inégalités scolaires, en sortant de la sélection hâtive pour mettre en place les conditions de l’apprentissage pour tous les enfants d’un socle commun de compétences et savoirs.
L’annonce que, durant la dernière année de cours, l’étudiant pourra commencer à exercer son métier en tant que professeur-étudiant sent furieusement la débrouille, pour pallier la pénurie d’enseignants et faire des économies. Mais si l’accompagnement de cette entrée prématurée en fonction n’est pas suffisamment conséquent et de qualité, on risque un départ du métier encore plus prématuré !
Pas l’espace de vous parler de deux autres questions qui se jouent et me turlupinent :
À tous les tournants, dans tous les dossiers, on retombe sur des enjeux de réseaux… Font-ils, à certains moments, obstacle à la réforme du système scolaire dans son fonctionnement actuel ?
Ce qui est mis à l’épreuve chaque fois, c’est la tension entre autonomie des PO et responsabilité de service public. Au vu de l’histoire belge, le pouvoir politique marche sur des œufs. Comment reconnaitre mieux et exiger plus de la part de toutes les écoles financées avec les deniers publics ?
À creuser.
Notes de bas de page
↑1 | Dispositions pour la fin de l’année 2020-2021 relatives à l’organisation des épreuves d’évaluation sommative, à la sanction des études et aux recours. |
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↑2 | Lire l’avis numéro 3 à la page 303. |
↑3 | Lire à ce sujet l’article de Pierre Waaub |