La bonne situation-problème se suffit à elle-même. Elle parle aux élèves, engendre leur activité, nécessite l’élaboration d’outils adéquats et provoque l’apprentissage. De problème en problème, l’élève découvre les facettes d’un concept. Le professeur observe avec bienveillance, relance avec dynamisme, organise la synthèse…
« Je suis prof de math, j’ai deux classes de quatrième, voici les résultats (tableau ci-dessous) du premier contrôle.
4A | 4B | ||
Julie | 7 | Pierre | 7 |
Sandrine | 3 | Xavier | 5 |
Yves | 9 | Christophe | 15 |
Caroline | 17 | Magali | 15 |
Stéphanie | 10 | Nicolas | 3 |
Arnaud | 12 | Sandrine | 4 |
Pierre | 10 | Sophie | 9 |
Mélissa | 10 | Geoffrey | 4 |
Christophe | 18 | Elodie | 5 |
Cédric | 8 | Elisabeth | 15 |
Pierre | 18 | Aïcha | 18 |
Tara | 10 | Laurent | 14 |
Nicolas | 8 | Florence | 20 |
Amanda | 4 | Mamadou | 16 |
Claire | 12 | Maxime | 5 |
Michaël | 19 | Michaël | 3 |
Geoffrey | 11 | Aurélie | 12 |
Gladys | 16 | Eric | 4 |
Axel | 5 | Michaël | 14 |
Cécile | 11 | ||
Kevin | 18 | ||
Sébastien | 12 |
Le collègue qui m’a précédé dit que la A est meilleure que la B. Cela se confirme-t-il avec ce premier contrôle ? »[1]C’est la première question du cours de statistique descriptive en quatrième année secondaire.
Pour la plupart des élèves, c’est simple, ils calculent rapidement la moyenne en faisant la somme de toutes les valeurs divisée par le nombre d’élèves. La conclusion est tout aussi rapide, la classe A dont la moyenne est de 11,27 est meilleure que la B dont la moyenne vaut 9,89.
Un dialogue s’installe :
– – Êtes-vous sûr ? Peut-on se fier entièrement à la moyenne ? Cela suffit-il comme indicateur ? Allez plus loin dans l’analyse.
– – On peut regarder le nombre d’échecs. Sept élèves en échec en A, 10 en B. Cela confirme ce qu’on avait dit.
– – Et si le contrôle est « dispensatoire » à 12 ?
– – En A, 9 élèves sont dispensés, tout comme en B. C’est la même chose.
– – La même chose ?
– – Non il n’y a pas le même nombre d’élèves dans les deux classes. En A, il y aurait à peu près 40 % (9/22) de dispenses ; tandis qu’en B, il y aurait à peu près 47 % (9/19) de dispenses. La classe B est meilleure que la classe A ?
C’est le moment de proposer quelques outils de la statistique descriptive auxquels les élèves ne peuvent avoir recours seuls s’ils sont néophytes en statistique descriptive. Et cela ressemble, dans le cas présent, plus à un coup de pied qu’à un coup de pouce…
Pour chaque classe, on va faire un tableau :
variable | effectif | fréquence | effectifs cumulés | fréquence cumulée |
3 | 1 | 0,045 | 1 | 0,045 |
4 | 1 | 0,045 | 2 | 0,09 |
5 | 1 | 0,045 | 3 | 0,136 |
Dans la première colonne, on reprend toutes les valeurs en les rangeant par ordre croissant. Dans la seconde, on indique l’effectif c’est-à-dire le nombre de fois qu’est répétée chaque valeur. Dans la troisième colonne, on calcule les fréquences ou rapport de l’effectif au total. On fait cela pour pouvoir comparer des classes qui n’ont pas le même nombre d’élèves.
Dans la quatrième colonne du tableau, on va calculer les effectifs cumulés. Cela va s’avérer utile dans la suite. On se demande pour chaque valeur, combien d’étudiants ont une cote inférieure ou égale à cette valeur. Dans la cinquième colonne, on calcule la fréquence cumulée à partir des effectifs cumulés.
Une fois les tableaux constitués, on peut comparer :
4A | 4B | ||||||||
cote | eff. | fr. | eff. cumu. | fr. cumu. | cote | eff. | fr. | eff. cumu. | fr. cumu. |
3 | 1 | 0,045 | 1 | 0,045 | 3 | 2 | 0,105 | 2 | 0,105 |
4 | 1 | 0,045 | 2 | 0,091 | 4 | 3 | 0,158 | 5 | 0,263 |
5 | 1 | 0,045 | 3 | 0,136 | 5 | 3 | 0,158 | 8 | 0,421 |
7 | 1 | 0,045 | 4 | 0,182 | 7 | 1 | 0,053 | 9 | 0,474 |
8 | 2 | 0,091 | 6 | 0,273 | 9 | 1 | 0,053 | 10 | 0,526 |
9 | 1 | 0,045 | 7 | 0,318 | 12 | 1 | 0,053 | 11 | 0,579 |
10 | 4 | 0,182 | 11 | 0,500 | 14 | 2 | 0,105 | 13 | 0,684 |
11 | 2 | 0,091 | 13 | 0,591 | 15 | 3 | 0,158 | 16 | 0,842 |
12 | 3 | 0,136 | 16 | 0,727 | 16 | 1 | 0,053 | 17 | 0,895 |
16 | 1 | 0,045 | 17 | 0,773 | 18 | 1 | 0,053 | 18 | 0,947 |
17 | 1 | 0,045 | 18 | 0,818 | 20 | 1 | 0,053 | 19 | 1,000 |
18 | 3 | 0,136 | 21 | 0,955 | 19 | 1,00 | |||
19 | 1 | 0,045 | 22 | 1,000 | |||||
22 | 1,00 |
Ce qui reste malaisé. Si on fait des graphiques, ce serait peut-être plus clair. Un graphique en bâtonnets pour les fréquences et un graphique cartésien pour les fréquences cumulées. Pour la comparaison, on a intérêt à mettre chaque fois les deux classes sur le même graphique (figures 1 et 2).
À partir du graphique des fréquences (figure 1), on reste mitigé. Il y a plus[2]Quand on dit plus, on parle de proportion et non de nombres absolus puisque ce sont les fréquences qui sont représentées. de basses cotes en B. Plus de cotes entre 8 et 12 en A. Plus de cotes entre 13 et 16 en B. Plus de cotes supérieures à 17 en A. Mais il est difficile de tirer une conclusion générale.
Quand on regarde le graphique de la fréquence cumulée (figure 2), on voit que sur certains intervalles les valeurs de 4A sont inférieures aux valeurs 4B. Et sur d’autres intervalles, c’est le contraire. La classe est-elle d’autant meilleure que les valeurs sont hautes ? Comment voir qu’une classe est meilleure qu’une autre ?
Pour n’importe quelle cote donnée, plus la fréquence cumulée est basse et meilleur est le niveau puisque la fréquence cumulée donne le rapport des cotes inférieures à cette cote, au total des cotes. Une classe serait donc meilleure qu’une autre si pour toutes les valeurs de la variable « cote », son graphique de fréquence cumulée était « en dessous » de celui de l’autre. Ce qui n’est le cas pour aucune des classes, dans le cas présent.
Dans la mesure du possible, nous cherchons une suite de problèmes qui permet aux élèves de reconstruire un concept avec le plus d’autonomie possible et de saisir son sens alors qu’il œuvre dans la résolution du problème.
Ce que l’exemple explicité veut montrer, c’est que sans être des partisans d’une transmission frontale, il faut bien reconnaître qu’à certains moments le prof doit donner un coup de pouce aux élèves pour leur faire passer un seuil qu’ils ne peuvent franchir naturellement. À ce moment, autant le faire de façon claire et franche !