Lors de l’entretien d’embauche, la direction m’a expliqué que j’aurai beaucoup d’élèves ayant des besoins spécifiques à suivre et m’a demandé comment je ferais si j’étais engagée. J’ai répondu du tac au tac : des aménagements raisonnables !
C’est la deuxième année que je suis logopède dans cette école secondaire ordinaire bruxelloise, les élèves qui y arrivent ont déjà un passé logopédique et thérapeutique. Ils ont envie d’oublier cette étiquette d’élève en difficulté, mais les symptômes n’ont pas disparu. La mise en place de mesures d’aides concrètes en classe permet de tenir compte des besoins spécifiques de ces élèves.
Lors de la semaine de rentrée, tous les élèves de première commune participent à un jeu de piste avec des ateliers. J’y présente mon travail et j’explique les différents troubles de l’apprentissage et les aménagements qui peuvent être proposés. J’ai repéré un petit nouveau à sa façon de répondre aux questions en sachant très bien expliquer les différents troubles, mais avec un petit air gêné. À la fin de l’atelier, il est resté un peu en retrait et m’a discrètement glissé, « je suis dyspraxique ».
J’ai téléphoné à la maman pour en savoir plus sur le parcours scolaire et les difficultés de ce jeune. Un accident de voiture dans sa petite enfance et une prédisposition aux troubles de l’apprentissage du côté maternel peuvent en partie m’éclairer. J’ai pu percevoir aussi l’angoisse de cette mère consciente des difficultés de son fils et qui veut que tout soit fait pour qu’il puisse apprendre comme les autres.
Ensuite, je transmets ces informations à mes collègues enseignants. Une grande partie de mon travail est d’informer sur les troubles de manière générale, mais aussi sur leurs manifestations chez chacun des élèves. Les professeurs sont informés au mieux, ils peuvent tenir compte des besoins spécifiques des élèves lors de la conception de leur cours. J’essaye d’être succincte et concrète. Je n’hésite pas à les mettre en situation de troubles de l’apprentissage et à utiliser des images parlantes. Je leur donne aussi une petite fiche présentant brièvement l’élève : ses ressources, ses besoins, ses freins et les premiers aménagements.
Au fur et à mesure de mes entretiens avec ce jeune, je le vois désireux de faire le maximum pour réussir. En classe, il pose des questions, exprime son point de vue, est enthousiaste par les recherches et les travaux de groupe qui lui sont demandés. Mais il est un peu têtu et veut faire comme les autres, il ne veut pas déranger les enseignants en demandant des aménagements.
En novembre, j’entends parler de lui dans la salle des professeurs. L’adolescent perturbe l’ambiance de travail : il interrompt les autres, il gigote, il ne maitrise pas toujours ses gestes. La semaine suivante, j’entends parler de la maman. Elle envoie des messages aux professeurs, elle ne comprend pas pourquoi il a des remarques ou est exclu du cours.
La réunion des parents sera une occasion pour la titulaire et moi de nous entretenir avec l’élève et sa maman. Le jeune dans son désir de s’adapter à la classe et à ses exigences ne dit pas qu’il s’épuise à prendre note dans ses cahiers. Il refuse même la proposition d’un professeur lui propose de lui donner des notes dactylographiées. Ses cahiers sont propres, soignés et structurés, mais à quel prix ? Nous expliquons chacun notre point de vue, nous nous écoutons et nous réajustons les aménagements.
Aujourd’hui, nous sommes en janvier. Mon élève commence enfin à accepter ses aménagements et à les demander. Il se retrouve encore dans des situations de surcharge cognitive, mais il ne se laisse plus déborder. Il parvient enfin à expliquer ses besoins à ses enseignants.