Même pas peur d’aller à la cantine, dans cette petite école fondamentale de campagne, où sont inscrits une centaine d’enfants, et où les temps de midi sont organisés en verticalité.
Le réfectoire pourrait accueillir tous les enfants en même temps, mais ce serait au détriment de la qualité de son organisation spatiale et donc, de la convivialité et du bienêtre qu’on peut attendre quand on passe à table. Ici, on a choisi d’avoir de l’espace pour passer entre les tablées, pour tirer sa chaise sans cogner celle de derrière, quitte à repenser l’organisation du flot des élèves.
En amont, les élèves ont travaillé les questions de santé en collaboration avec le centre PMS. Ils ont pris conscience de l’importance de la qualité de ce qu’ils mangent et de l’influence de l’environnement dans lequel on est. Ce n’était plus la honte d’avoir des carottes dans sa boite à tartines. De là, se sont dégagées des pratiques qui sont toujours d’application et qui font l’objet d’évaluation régulière par l’ensemble des élèves. Une des décisions qui a été prise, c’est de prendre le temps de manger. Une autre, de manger en silence, sur un fond musical. La musique classique, les élèves n’en voulaient pas. Par l’intermédiaire du chef de groupe, ils ont pu choisir la musique qu’ils aiment entendre. Si quelqu’un a quelque chose à dire, il doit parler tout bas. Une autre encore, les élèves, via leur chef de groupe, ont réclamé des stores.
En début d’année, le directeur passe dans les classes du dernier degré et demande aux élèves qui le veulent de prendre la responsabilité d’être tuteur d’un groupe. Les élèves tirent de la fierté de cette responsabilité, les volontaires ne manquent pas. Une réunion est organisée par le directeur, pour rappeler le rôle du grand, dans les différents lieux et temps de la pause du midi.
Chaque tuteur veille sur son groupe composé de quatre élèves de maternelle et du primaire. L’équilibrage des groupes ne se fait pas au hasard. Le directeur est attentif à ne pas séparer les fratries, à mettre un tuteur qui a de l’autorité pour cadrer les élèves plus turbulents et à l’équilibrer les groupes selon les âges.
Quand la grosse cloche sonne [1]Essayez de le dire dix fois à voix haute et à toute vitesse !, tous les élèves se retrouvent dans la cour, ils rentrent dans le réfectoire, table par table. Le directeur a organisé le tour d’entrée des groupes avec le souci de ne pas presser les plus jeunes à manger. Chaque trimestre, Le tour est modifié.
Le tuteur réunit sa « petite famille ». Ils entrent dans le hall, y déposent leurs affaires, se rendent aux toilettes, se lavent les mains, vont chercher leur boite à tartines, puis s’installent à une même table. Une fois le premier groupe installé, c’est au tour du deuxième groupe de suivre le même rituel. Et ainsi de suite. Lorsqu’un groupe a terminé de manger, les enfants débarrassent et repassent aux toilettes, sous l’oeil vigilant du « chef de famille ».
S’il y a un souci important, le tuteur peut demander de l’aide à un adulte.
Dans cette école, il y a donc des élèves qui sont dans le réfectoire, et d’autres qui jouent dans la cour. On sort de la logique qui prédomine d’habitude et où tout le monde fait la même chose, au même moment.
Cette valse des familles, de la cour au réfectoire, du réfectoire à la cour, est réglée comme du papier à musique. Ça a l’air magique. La partition est efficace, et surtout, ancrée dans des habitudes participatives qui traversent d’autres enjeux. Dès la maternelle, les élèves ont l’habitude de prendre des décisions via les « rondpoints ». Les chaises sont mises en rond, un temps est pris pour discuter et décider d’une destination de sortie ou d’une règle d’utilisation des vélos dans la cour.
Ce temps de midi s’inscrit donc en cohérence avec l’esprit de l’école et la pédagogie de celle-ci. On n’y va pas à la grosse louche.
Notes de bas de page
↑1 | Essayez de le dire dix fois à voix haute et à toute vitesse ! |
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