Comment transformer un moment de travail partagé à neuf, pendant deux heures, autour d’une SCI (Situation critique insatisfaisante)décortiquée par l’Entrainement Mental en un écrit ? Pas simple, car pas mal de choses se jouent justement dans les échanges et les partages entre ces neuf personnes ; « L’EM s’est transmis d’abord à l’occasion de la rencontre de personnes, par imprégnation, par entrée en résonance, par compagnonnage, par silences partagés. »[1]Tiré du texte reçu en préparation du W-E d’écriture : « Entrainement mental – Éducaton populaire et liberté de pensée » (Renaud Davreux, 2012).
Je suis président de cette séance de travail. La situation travaillée concerne trois de mes collègues présentes parmi les neuf membres du groupe. Le récit a été écrit par l’une d’entre elles ; les deux autres ne sont pas au courant que c’est de cette situation dont on va parler. Elles n’ont jamais rediscuté de cette situation qui avait été source de tensions. Avant le début de la séance, je décide d’aller parler brièvement à chacune d’elles. À celles qui n’ont pas écrit, j’annonce le sujet et propose qu’elles lisent le texte avant la séance : il ne s’agit pas d’en discuter avant, seulement de ne pas les « prendre par surprise ». Elles acceptent positivement ma proposition, et l’une me dit qu’elle est contente de reparler de cette situation. À celle qui a écrit, je dis que j’ai fait lire le texte aux deux autres. Elle me fait part de ses appréhensions par rapport à la séance, ses craintes de blesser. Ces quelques contacts préalables me permettent aussi d’éveiller ma vigilance afin que la séance se déroule dans la bienveillance.
Pratiquer l’Entrainement Mental, c’est distinguer les étapes : se représenter la situation, chercher des tensions, poser le problème, etc. Pourtant concrètement, les choses ne se déroulent pas de manière mécanique. Au moment de formuler le problème, l’un ou l’autre moment de silence : ce n’est pas simple — les acteurs sont nombreux et les enjeux se situent à plusieurs niveaux. J’ai l’impression qu’on patauge. Une des participantes, praticienne de l’Entrainement Mental, m’aidera en intervenant à quelques reprises pour repréciser à quelle étape nous nous trouvons, de façon à ce que chacun soit bien conscient de ce qui est travaillé à ce moment précis. Je me sens bien accompagné, dans ces moments où je porte peut-être aussi moins mon attention au processus qu’aux personnes présentes.
Et puis, il y a les rebonds : en formulant les paradoxes, les contradictions, les tensions, on parlera d’innovation, puis de créativité, d’autonomie et de liberté, d’illusion de liberté même, pour aller vers le désir… Le nombre d’idées est impressionnant ! Il me semble qu’elles naissent parce qu’on écoute les autres, que ce qu’ils disent nous fait penser à une autre idée, voire même qu’un autre trouve les mots pour formuler ce qu’on ne parvenait pas à verbaliser.
C’est une situation très complexe qui est travaillée ici. C’est difficile de cerner l’essentiel. L’institutionnel, le politique, l’économique, l’interpersonnel s’enchevêtrent… Un moment important de la séance aura sans doute été celui où deux des protagonistes « se parleront », se diront des choses qui n’étaient pas écrites et qui n’avaient jamais été dites. Ce moment, assez émotionnel, mettra en lumière des enjeux qui étaient restés flous pour certains d’entre nous. Là aussi, pendant le temps nécessaire, on aura un peu oublié le canevas pour avant tout écouter les personnes, et pour que des implicites ou des attendus qui n’avaient pas été compris puissent être explicités.
Notes de bas de page
↑1 | Tiré du texte reçu en préparation du W-E d’écriture : « Entrainement mental – Éducaton populaire et liberté de pensée » (Renaud Davreux, 2012). |
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