Math & Manips :

Depuis la mise en application du Décret Missions, les enseignants sont tenus de s’inscrire dans la logique de l’approche par compétences. Loin de faire l’unanimité, ce courant pédagogique rebute et effraie de nombreux enseignants qui y voient une interdiction d’enseigner des savoirs. Or, il n’est point d’élève compétent qui ne dispose d’un certain nombre de ressources, dont des savoirs mobilisables en situation.

Lors de la mise au point d’activités pour les recherches du CREM[1]Centre de Recherche sur l’Enseignement des Mathématiques , nous ciblons tout d’abord les savoirs à construire et nous faisons l’hypothèse que c’est en donnant du sens à ces savoirs que nos activités développent chez les élèves diverses compétences transversales et disciplinaires. Ces compétences sont listées au début de chaque activité afin que l’enseignant perçoive comment une séquence d’enseignement visant l’appropriation de savoirs disciplinaires peut prendre appui sur de nombreuses compétences dont elle engendre le développement.

Le travail que nous menons vise notamment à partager notre conviction qu’il est tout à fait possible d’articuler savoirs et compétences en les travaillant simultanément. En voici une présentation succincte.

Recherche Math & Manips

Depuis 1995, le CREM s’attache à publier des ouvrages proposant des activités destinées à diverses tranches d’âge de l’enseignement primaire et secondaire pour lesquelles les compétences travaillées sont mises en exergue.

La recherche menée actuellement vise à favoriser l’introduction de certains concepts mathématiques par des séquences d’apprentissage intégrant des manipulations effectuées par les élèves. Ces activités, appelées Math & Manips, sont destinées à améliorer l’apprentissage de certaines matières du cursus. Conçues pour provoquer chez les élèves des conflits entre ce qu’ils pensent et ce qu’ils découvrent lors des manipulations, elles sont développées notamment dans l’optique de confronter différents modèles.

Dès l’école primaire, des processus de modélisation sont sous-jacents aux activités mathématiques. C’est en manipulant et comparant des objets comme des ficelles, des feuilles de papier, des boites et des solides que les enfants se construisent des images mentales qui leur permettent d’appréhender les notions de longueur, aire, volume, masse…

C’est par l’observation et la manipulation de nombreux triangles, carrés, polygones, cubes… dessinés ou en carton, que les enfants accèdent peu à peu aux concepts correspondants. Au-delà, il importe que soit gardé le caractère réversible de ces processus de modélisation. En effet, c’est par un continuel va-et-vient entre le sensible et les objets abstraits que l’élève peut adapter ses conceptions et se créer des images mentales qui évolueront au fur et à mesure des situations qui lui seront proposées.

Activités, savoirs et compétences

Le thème des grandeurs est au cœur de chacune des séquences d’apprentissage proposées dans cette recherche. À chaque tranche d’âge correspond une étape de l’apprentissage des grandeurs, allant des images mentales, aux comparaisons, aux mesures, et jusqu’aux fonctions liant entre elles les mesures de différentes grandeurs.

Les Math & Manips destinées aux enfants les plus jeunes leur font aborder les longueurs, les masses, les capacités et les aires dans un contexte familier, et permettent un véritable travail sur les grandeurs sans qu’il soit question de mesures. Les concepts sont ancrés dans la réalité grâce aux manipulations.

Les mesures sont introduites progressivement, au moyen d’étalons familiers d’abord, d’étalons conventionnels ensuite. Les expérimentations pour les élèves de la fin du primaire construisent pas à pas la notion de volume, tout en explorant les liens entre différentes caractéristiques d’un objet comme la taille, la forme, la masse et le volume, ainsi que les liens entre volume et capacité. Ici encore les relations sont établies tout d’abord par des comparaisons sans mesures. Ensuite, l’élaboration de la formule du volume du parallélépipède rectangle établit les liens, numériques cette fois, entre les longueurs des arêtes et le volume.

Ces activités développent les compétences disciplinaires suivantes issues des socles de compétences pour l’enseignement fondamental et le premier degré de l’enseignement secondaire [4] :
– Comparer des grandeurs de même nature et concevoir la grandeur comme une propriété de l’objet, la reconnaitre et la nommer.
– Effectuer le mesurage en utilisant des étalons familiers et conventionnels et en exprimer le résultat (capacités, volume…).
– Faire des estimations en utilisant des étalons familiers et conventionnels.
– Connaitre le sens des préfixes […] déci. …], centi., milli.
– Établir des relations dans un système pour donner du sens à la lecture et à l’écriture d’une mesure.

Les Math & Manips destinées aux élèves du secondaire explorent les liens entre dimensions d’une figure et son aire, entre dimensions d’un cylindre ou d’un cône et son volume. Le recours aux tableaux de nombres fait percevoir les liens numériques entre les mesures des grandeurs, la construction de représentations graphiques débouche sur la perception des liens fonctionnels entre ces mesures de grandeurs. Les fonctions de référence qui se dégagent de ces tableaux et graphiques, moyennant un processus de modélisation, prennent du sens grâce au contexte dans lequel elles sont apparues.

Ainsi, pour le secondaire inférieur, nos activités développent, en plus de celles listées plus haut, les compétences disciplinaires suivantes, reprises du document définissant les socles de compétences [4] et réparties en plusieurs thèmes :

• Les nombres
– Relever des régularités dans des suites de nombres.
– Estimer, avant d’opérer, l’ordre de grandeur d’un résultat.

• Les solides et figures
– Associer un point à ses coordonnées dans un repère.
– Dans un contexte de pliage, de découpage, de pavage et de reproduction de dessins, relever la présence de régularités.
– Décrire les différentes étapes d’une construction en s’appuyant sur des propriétés de figures, de transformations.
– Reconnaitre et construire des agrandissements et des réductions de figures.

• Les grandeurs
– Construire et utiliser des démarches pour calculer des périmètres, des aires et des volumes.
– Fractionner des objets en vue de les comparer.
– Reconnaitre un tableau de proportionnalité directe parmi d’autres.

Les compétences disciplinaires visées par les activités du secondaire supérieur sont répertoriées ci-dessous. Elles sont issues du document décrivant les compétences terminales et savoirs requis en mathématiques pour les humanités générales et technologiques [5].
– Calculer (déterminer, estimer, approximer) une incertitude sur un résultat obtenu à partir de valeurs approchées.
– Modéliser des problèmes de manière à les traiter au moyen des fonctions de références […].
– Savoir, connaitre, définir les expressions relatives aux fonctions, […] à leur fonction réciproque.
– Esquisser, construire un graphique pour mettre en évidence des caractéristiques du phénomène traité, interpréter un graphique en le reliant au problème qu’il modélise.

Outre les compétences disciplinaires, de nombreuses compétences transversales sont exercées au cours des activités. Celles qui sont développées par les Math & Manips proposées pour l’enseignement primaire et le début du secondaire sont, par exemple : se poser des questions, agir et interagir sur des matériels divers (tableaux, figures, solides, instruments de mesure…), estimer un résultat, vérifier sa plausibilité, exposer et comparer ses arguments, ses méthodes. Pour le secondaire supérieur, les compétences transversales rencontrées sont principalement : s’approprier une situation, traduire une information d’un langage dans un autre, du langage graphique au langage algébrique et réciproquement.

Pour de plus amples informations, le rapport de recherche décrivant en détail les activités finalisées est disponible sur le site du CREM (www.crem.be). Les articles parus dans la revue Losanges [1] [2] [3] permettent une lecture plus rapide.

Références

[1] GUISSARD M.-F., HENRY V., AGIE, S., LAMBRECHT P. (2010) Math & Manips, Losanges n° 7, pp. 39-46.

[2] GUISSARD M-F., HENRY V., LAMBRECHT P., VAN GEET P. ET VANSIMPSEN S. (2011) Math & Manips à l’école primaire : favoriser l’apprentissage des grandeurs par des manipulations, Losanges n° 15, pp. 16-21.

[3] GUISSARD M-F., HENRY V., LAMBRECHT P., VAN GEET P. ET VANSIMPSEN S. (2012) Aires et agrandissements avec Apprenti Géomètre, Losanges n° 18, pp. 15-23.

[4] MINISTÈRE DE LA COMMUNAUTÉ FRANÇAISE (1999) Socles de compétences (Enseignement fondamental et premier degré de l’enseignement secondaire). Administration générale de l’Enseignement et de la Recherche scientifique, Direction de la Recherche en Éducation et du Pilotage interréseau, 15-17, Place Surlet de Chokier, 1000 Bruxelles.

[5] MINISTÈRE DE LA COMMUNAUTÉ FRANÇAISE (1999) Compétences terminales et savoirs requis en mathématiques (Humanités générales et technologiques). Administration générale de l’Enseignement et de la Recherche scientifique, Direction de la Recherche en Éducation et du Pilotage interréseau, 15-17, Place Surlet de Chokier, 1000 Bruxelles.

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 Centre de Recherche sur l’Enseignement des Mathématiques