Sur le trottoir d’en face

Quand on évoque une sortie de classe, on pense souvent à : expo, musée, parc scientifique, voyage… Mais, certains le savent, il suffit parfois de traverser la rue pour découvrir des opportunités. Récit de l’expérience L’Odyssée de la Grande Halle ou quand un chantier public devient lieu d’apprentissage.

À Bruxelles, un ilot a été démoli dans le quartier des Abattoirs pour être remplacé par de nouvelles constructions. Chantier public et donc concours d’architecture. Dans le cahier des charges, la commune prévoit qu’un budget soit consacré au suivi du chantier par de jeunes enfants.

Des visites et des rencontres

C’est alors que démarre une collaboration entre une école communale et l’asbl Patrimoine à Roulettes1. Des élèves de 4e au début, puis de 5e et 6e primaires découvriront, au fil des mois et des années, l’évolution du chantier.
Pour ce faire, on sort régulièrement de l’école afin de voir ce qui se passe. Regarder passivement ne suffit pas, alors les élèves dessinent, filment, photographient. Et surtout, ils font des rencontres, ils s’interrogent et ils apprennent.

« Il y a moyen de faire une sortie de classe à côté de chez soi à peu de frais. »


La rencontre des métiers du bâtiment permet de découvrir qu’il n’y a pas de sots métiers. Travail manuel et intellectuel se révèlent indispensables : maçon, architecte, soudeur ou ingénieur, tous contribuent à l’émergence de l’ouvrage.
Parcourant ainsi la palette des métiers, plusieurs élèves retrouvent celui de leurs parents. Intéressant processus d’identification suscitant la motivation et l’implication, dirait un pédagogue.

Des découvertes techniques

Chaque visite de chantier devient un moment d’apprentissage où réflexion, observation et imaginaire prennent sens. Deux exemples :
La restauration d’une charpente métallique pose une question : comment rigidifier une structure métallique qui semble tenir miraculeusement en l’air ? Après l’observation du chantier, les élèves sont confrontés au problème. Ils sont invités à l’aide de tiges de bambou et d’élastiques à construire, à chercher, à émettre des hypothèses et à découvrir des principes. Ils finissent par comprendre comment la tour Eiffel tient debout.
La construction de l’espace crèche permet d’observer les techniques du béton précontraint ainsi que la relation entre colonnes et poutres. En classe, des Kaplas géants serviront pour l’appropriation de la technique. Un retour dans l’histoire révèle qu’elle existe depuis la nuit des temps, du site néolithique de Stonehenge jusqu’aux temples grecs.

Mais aussi parcourir les traces du passé

Le nouvel ilot se construit le long du canal à la place d’un entrepôt de charbon. Ce combustible était acheminé vers Bruxelles par voie d’eau. Véhiculer les matériaux en péniche était et reste encore aujourd’hui un procédé utile. Les canaux portent souvent les traces de l’activité économique passée et présente. Alors, prendre le Waterbus, qui traverse une bonne partie de Bruxelles sur le canal était une occasion à ne pas manquer pour découvrir le patrimoine industriel de la ville.

Construction dans la durée

L’Odyssée de la Grande Halle — le titre n’a pas été donné par hasard — s’inscrit dans la durée. Il est question de suivre un processus. L’asbl a donc proposé de construire une ligne du temps et de la présenter sous forme de plaques sur lesquelles on trouve des engrenages. Chacun correspond à une étape du chantier qui occupe chaque fois des corps de métiers différents, des outils, des actions caractéristiques. Depuis l’élaboration des plans, la réalisation du gros œuvre jusqu’aux finitions, la réussite du bâtiment dépend de chaque engrenage. Au bout de trois années, on verra ainsi apparaitre un corpus d’informations représenté par cet outil de synthèse de 4 mètres de long.

Que retenir jusqu’ici ?

Il y a moyen de faire une sortie de classe à côté de chez soi à peu de frais : pas besoin de réserver un car, un train, des nuitées. Cela ne signifie pas que tout est simple en termes d’organisation : la coordination avec les responsables du chantier et avec les entrepreneurs prend parfois de la place.
Les cours de mathématiques, d’art plastique, d’éveil scientifique et historique, de maitrise de la langue sont bien alimentés par les questions et les activités qui en découlent. Concernant la découverte du vocabulaire, l’opportunité est d’autant plus grande qu’une des classes est en immersion.

Transposer ?

Ce qui se fait ici en grand peut facilement se reproduire à petite échelle et offrir plein d’occasions de faire vivre son cours. « Il y a un chantier dans la rue et si on allait voir. » Aussitôt, les questions viendront. « Jusqu’où va ce câble ou cette conduite qu’on enterre et qui me permet de regarder la télé ou d’avoir de l’eau dans ma maison ? » « Comment tient debout cette grue gigantesque, comment est-elle arrivée là ? »
Reste à l’enseignant à les exploiter pour susciter l’éveil de l’élève.

1 Patrimoine à roulettes…