L’enseignement spécialisé est-il voué à disparaitre ? Intégration, inclusion, aménagements raisonnables, il semble en tout cas remis en cause. À juste titre ?
Et de quoi parle-t-on ?
Créé en deux temps entre 1970 et 1978, et après avoir longtemps été montré comme un modèle pour les autres pays européens parce qu’il donnait accès à l’enseignement pour tous, l’enseignement spécialisé a été remis en cause depuis la Déclaration de Salamanque (Unesco 1994). Cette déclaration invite en effet les pays signataires à faire en sorte que tous les enfants puissent être scolarisés ensemble dans l’enseignement ordinaire. Depuis 2009, la Belgique a ratifié la Convention de l’onu relative aux droits des personnes handicapées qui promeut sans équivoque l’éducation inclusive de tous les enfants dans l’enseignement ordinaire. Si l’on respectait à la lettre ces deux chartes internationales, l’enseignement spécialisé ne devrait plus exister.
La première erreur quand on aborde la question de l’enseignement spécialisé consiste à partir d’une approche globale. L’enseignement spécialisé s’adresse en Fédération Wallonie-Bruxelles a des publics très différents selon leurs besoins. On peut distinguer huit types d’enseignement spécialisé différents.
En ce qui concerne le type 8, la Belgique fait figure d’exception. C’est une particularité de la fwb : offrir aux élèves qui ont des besoins spécifiques, un cadre d’apprentissage adapté et individualisé, en dehors de l’enseignement ordinaire. Des enfants français, qui ne disposent pas de ce type d’enseignement dans leur pays, fréquentent d’ailleurs les écoles frontalières d’enseignement spécialisé.
On abordera ici plus spécifiquement ce qui concerne le type 1 (retard mental léger), le type 3 (trouble du comportement et/ou de la personnalité) et le type 8 (troubles instrumentaux et/ou d’apprentissage).
L’accent est mis sur eux d’une part parce que le nombre d’enfants qui sont orientés vers ces trois types d’enseignement spécialisé est en augmentation depuis 2014 et d’autre par, parce que l’on constate aussi que, massivement, et ce, dès la maternelle, les enfants qui sont orientés vers ces types d’enseignement spécialisé sont issus des familles défavorisées.
Ceci est particulièrement vrai pour le type 8. Lors de l’entrée dans enseignement spécialisé de type 8, des phénomènes de surreprésentations sont présents (garçons, étrangers, milieux défavorisés). Or, les élèves qui fréquentent l’enseignement spécialisé de type 8 dans l’enseignement fondamental sont censés intégrer l’enseignement ordinaire dans le secondaire. Étant donné que le type 8 n’existe pas dans le secondaire. Mais ce n’est largement pas le cas. La moitié d’entre eux sont orientés vers un enseignement secondaire spécialisé, organisé pour des élèves avec un retard mental léger ou des troubles du comportement (types 1 et 3).
Cette orientation dans l’enseignement secondaire spécialisé limite de manière drastique leurs choix de parcours scolaires, bien qu’ils puissent avoir accès à une formation professionnalisante et un diplôme, valorisé en fin de phase 3, à vingt-et-un ans. On remarque que ces élèves s’orientent en grand nombre vers des filières professionnelles, moins exigeantes sur le plan des matières classiques (français, mathématiques, sciences, etc.) et que trois années après la sortie du type 8, il reste moins de 4 % des étudiants dans enseignement général et technique.
Malgré les politiques d’intégration, le nombre d’élèves dans l’enseignement spécialisé continue à augmenter. Ce qui est préoccupant parce que, plutôt que de répondre à des besoins spécifiques des élèves, ces types d’enseignement semblent plutôt constituer le premier maillon d’un enchainement de relégations successives sur la base de l’origine sociale des élèves.
De manière systémique, l’enseignement en fwb est organisé pour séparer les élèves en fonction de leurs difficultés scolaires. Tout au long de leur scolarité, en fonction des difficultés d’apprentissage qu’ils rencontrent, les élèves sont orientés vers des groupes, puis des classes, puis des établissements et des filières réputés plus adaptés pour eux. Ce mécanisme de séparation mène dans l’enseignement primaire, par confusion entre difficultés d’apprentissage et troubles de l’apprentissage, à penser qu’une orientation vers l’enseignement spécialisé sera plus favorable à ces enfants qui, de plus, disposent de peu de moyens d’encadrement familiaux. Dans l’enseignement spécialisé, ils seront dans de plus petits groupes, disposeront d’une aide personnalisée et d’un suivi plus rapproché.
En promouvant un modèle inclusif, la réforme du Pacte vise à faire en sorte que ces moyens et ce suivi rapproché soient possibles dans l’enseignement ordinaire, pour que les difficultés scolaires de ces enfants soient réellement prises en compte et au plus tôt.
On est donc loin de la remise en cause de la pertinence de l’enseignement spécialisé.