DPPR ? Et les élèves ?

Arrêt de travail dans les écoles le 15 mars. On va encore parler des profs ! Et, une fois de plus, l’opinion publique risque de ne pas bien saisir les enjeux. Quoi ? Ils pouvaient partir à la retraite à 55 ans, peinards ! Pire : ils osent parler de « pénibilité » ! Lisez les sites des journaux où se déverse la bile de tous les mécontents : « des fainéants qui travaillent bien au chaud », pour résumer.

DPPR, de quoi s’agit-il ? Les « mises en disponibilité pour convenance personnelle précédant la pension de retraite » sont une invention de Laurette. En 1996, quand le gouvernement (PS-PSC) de la Communauté française décide de supprimer 3.000 postes de travail dans l’enseignement secondaire, il croit « adoucir » la mesure en invitant les « vieux » profs à prendre une retraite ou semi retraite anticipée, dans des conditions attractives …et coûteuses. Les vétérans de l’époque avaient le sentiment de contribuer à l’embauche et à l’emploi de jeunes.

La mesure aura un succès grandissant au fil des années. Elle révèlera surtout que, passés 50 ans, beaucoup d’enseignant(e)s sont usé(e)s. C’était donc une porte de sortie honorable pour des gens qui avaient beaucoup donné, mais n’avaient plus l’énergie et le tonus requis pour mobiliser l’attention, la curiosité et le désir d’apprendre de jeunes de plus en plus rétifs à une organisation scolaire restée archaïque. Dans une société en pleine ébullition.

Au fil des années, on a dû constater que des profs apparemment « en pleine forme » préféraient aussi quitter un Titanic où ils ne trouvaient plus les satisfactions espérées. Le symptôme d’un profond mal-être. Et voilà que la Communauté française, toujours désargentée, ne pourrait plus se payer ce « luxe ». D’où une révision du système dont les modalités en débat sont une fois de plus illisibles pour le commun des mortels. L’image des profs va encore en prendre un coup.

Ce qui est curieux, c’est que personne, à ma connaissance, n’envisage cette question des fins de carrière en partant des élèves. Pourquoi partir des élèves ? Ben tiens, parce que c’est pour qu’ils apprennent que l’école est organisée et que des enseignants sont en service et rémunérés. Pour qu’ils apprennent, il faut, entre autres, qu’ils rencontrent des profs compétents qui les motivent, qui les passionnent, qui leur donnent confiance en eux, qui créent un climat et les conditions d’une vie de groupe dont toute violence est exclue, qui …, qui …. Tout cela est très délicat et ne va plus du tout de soi. Le métier est bien plus difficile et exigeant qu’il ne l’était il y a 20 ou 30 ans.

Sans parler des élèves en grandes difficultés ou en décrochage. Ni des écoles-ghettos dans des quartiers où le métier est passionnant, mais épuisant. Où il faudrait des « super-profs », si on veut vraiment changer quelque chose à Pisa. Des super-profs toujours en super forme ! Jusqu’à quel âge ?

Il est regrettable que le système ne tienne pas (ou très peu) compte des conditions de travail et des défis à relever. Une institutrice maternelle avec 25 mômes peut légitimement se sentir épuisée dès 50 ans. Un instit ou un prof en professionnelle à Saint Josse ou à Seraing a été plus exposé nerveusement (voir physiquement) que des collègues d’écoles huppées.

Une approche plus qualitative s’imposerait. Dans l’intérêt des élèves d’abord.