*Dynamite de groupe au Creative School Lab !*

Les Creative School Lab arrivent dans les Hautes Écoles. Le ministre de l’Enseignement supérieur et l’Union européenne au chevet des écoles si peu innovantes !? À voir…

laboratoire… un lieu où on expérimente, où on procède par essai erreur, où on élabore des protocoles, des dispositifs. Un lieu où on va prendre, parait-il, son PIEDS (Problémation, Idéation, Évaluation, Décision et Se lancer dans l’action). Beau projet sur papier, enthousiasmant même. Dix candidats bien décidés à saisir cette opportunité, dix candidats qui vont faire équipe autour d’un projet et où il n’y aura pas d’élimination comme dans toutes ces nouvelles émissions télévisées. Non, il n’y aura pas de maillon faible !
Arrive alors un coach, of course, le beau Pascal, on n’est pourtant pas dans « The Voice » ou dans une de ces émissions culinaires très en vogue.

Perdre pied

Que fait un coach dans un CSL, quelle est sa fonction ? Que fait un coach dans une école ? Est-il venu nous activer tels des chômeurs tombés dans la trappe ?
Sa méthodologie, venir nous dire comment il faut faire, mais lui-même en faire fi. On est bien loin du pédagogue, Fernand Oury qui disait « Ne rien dire que nous n’ayons fait. »
Avant son arrivée, nous étions parvenus à la phase de « problémation », nous faisions équipe, nous avions un projet ambitieux et motivant. Lui, parait-il, était spécialiste en dynamique de groupe. Alors que le projet était lancé, que nous étions prêts à entamer la phase d’idéation, le coach nous informa que le programme voulait que nous ayons une journée de formation sur sa spécialité… Nous allions jouer à un jeu, il constitua trois équipes. Chacune d’elles devait réfléchir à comment faire parcourir la plus grande distance à un œuf sans le casser et puis mettre en pratique notre procédure. Placés dans une situation de concurrence, nous l’avons transformée en situation de coopération. Pas longtemps, car le coach a arrêté le jeu ! Il était très fâché, hors de lui !
Du débat qui suivit, je garde en mémoire que pour le coach, jouer à un jeu de compétition ou de coopération, cela n’a pas d’importance, c’est neutre, c’est un prétexte ; aucune idéologie ne se cache sur le choix de tel ou tel jeu. Nous étions dans un dialogue de sourds. Pour lui, nous ne jouions pas le jeu, nous ne suivions pas les règles. Dans le monde de l’entreprise où il travaille régulièrement, les personnes sont tellement plus preneuses.
De toute façon, pour les réunions suivantes, il était urgent, selon lui, d’être dans le concret de la réalisation du Lab : savoir ce que nous allions y mettre, ce que nous allions acheter avec l’argent obtenu. Bref, quand et comment nous allions aménager le Lab. Il ne nous restait que quelques semaines. Nous devions planifier, mais seul, le coach connaissait les échéances et ce que l’équipe, au bout du compte, devait réaliser pour cette année scolaire pour correspondre aux exigences d’European Schoolnet. Ces informations nous étaient distillées au fur et à mesure. Être créatif avec si peu d’autonomie ressemble fort à une injonction paradoxale, mais nous n’étions plus à un paradoxe près !

Pied de nez

Trois étapes du PIEDS passaient donc à la trappe. Il s’agissait de « se lancer » dans la création d’un Lab. Définir et choisir quels moyens on voulait, alors qu’on ne savait pas à quoi ils pourraient bien servir. Persuadée de ce non-sens, je tentais encore un peu de résister et de lutter en interpelant le coach par mail et en mettant en copie mes neuf collègues.
Force m’est de constater que le mail ne m’a pas permis de fédérer, je ne sais même pas si c’était d’ailleurs mon intention. Il était, sans doute, plus le résultat d’une frustration suite aux incohérences que j’observais chez les initiateurs des CSL. J’étais, je l’avoue, écœurée par cette manne financière, venue de l’UE en lien avec Creative Wallonia, ainsi galvaudée. Les travaux inutiles, c’est bien connu sont une spécialité belge. En outre, je ne pouvais m’empêcher de nourrir le sentiment que le champ économique envahissait le monde de l’enseignement, que des logiques marchandes étaient à l’œuvre… Alors pour survivre, plutôt que la lutte, j’ai opté pour la fuite !
Aujourd’hui, je me demande pourquoi nous n’avons pas su faire collectif pour défendre nos valeurs, notre culture et notre identité enseignante. Montrer en quoi le monde de l’enseignement n’est pas celui de l’entreprise et qu’il y a urgence à le protéger de ces tentatives insidieuses. Le coach était parvenu à dynamiter notre projet et c’est comme si la raison d’être des candidats était devenue de s’opposer à lui. Une fois sa mission accomplie, plus rien ne nous unissait ! Comment aurions-nous pu conserver un projet fédérateur ? 