Avant d’écrire cette chronique, je suis retournée voir ce que je vous ai raconté dans les cinq numéros précédents. Et je vous emmerde toujours avec à peu près la même chose : les points de fragilité du Pacte, ses angles morts.
Toujours avec des indications et des engagements de la part de CGé. Pour renforcer, pour étançonner, pour que ces réformes aboutissent, pour que ça marche et pour que le Pacte tienne enfin la promesse de transformation de notre système scolaire en écoles plus émancipatrices et plus égalitaires.
Mais je lis les échanges entre les experts engagés dans l’amélioration du référentiel de Sciences humaines et sociales, désespérés d’avoir injecté tellement d’énergie et de travail pour si peu d’effets, si peu d’améliorations prises en compte. Et je me dis, quel gâchis. Mais ce n’est pas irrémédiable : les responsables politiques vont en tirer des enseignements et la fois prochaine, ils procèderont différemment.
Il y a ces échos qui remontent d’un certain nombre d’écoles : l’accouchement de Plans de pilotage [1]Les plans de pilotage sont fort probablement les pierres angulaires du changement s’ils donnent véritablement lieu à cette mise en abyme, pas s’ils sont exécutés comme un devoir administratif … Continue reading qui semble être régulièrement passé à côté de l’occasion de mobiliser l’équipe éducative et les parents, pour un exercice collectif de réflexivité sur ce que leur école produit de bon et de moins bon, sur ce qu’ils voudraient et pourraient y changer et le chemin qu’ils vont construire collectivement pour y arriver. Et je me dis, c’est vraiment dommage. Mais, si les délégués au contrat d’objectifs (DCO) ont les mains libres et osent interpeler respectueusement les directeurs, à l’occasion des évaluations intermédiaires qui vont avoir lieu, ils vont peut-être pouvoir arriver à rattraper la sauce.
« Transformer en profondeur un système scolaire est un travail titanesque. »
Et puis, il y a cette saloperie de covid qui est venu rajouter une couche de pression dans les écoles et détourner les enseignants d’une grosse partie de l’attention et de l’engagement qu’ils auraient dû pouvoir mettre à disposition de cet énorme défi : repenser l’école, sa mission première et donc leurs pratiques. Ils manifestent pour faire entendre qu’ils n’en peuvent plus, pendant que, au même moment, bon nombre d’enfants de milieux populaires entrent encore moins qu’avant dans les apprentissages fondamentaux.
Des écoles de devoirs rapportent que des enfants qui sont en 3e ou en 4e année ne savent ni lire ni calculer, sans que ça ait l’air d’affoler l’école… comme si c’était normal. Et je me dis, quelle catastrophe. On vient encore de faire un grand pas en arrière et les inégalités scolaires sont plus fortes que jamais.
Un seul titre et sujet de chronique s’est imposé : « La peur de ne pas y arriver ! »
Fondamentalement, le dilemme qui se pose en permanence à notre mouvement, c’est : nous nous devons d’exercer — à notre échelle et à travers le prisme que nos terrains d’intervention et nos contacts enseignants nous fournissent — une fonction de veille de ce que le Pacte produit. Nous pensons que c’est le meilleur service que nous pouvons lui rendre. Mais, se pose ensuite la question de jusqu’où, à un certain moment, renonçons-nous à tenir, voire à harceler sur chaque pan de réforme qui nous paraît insuffisant au nom du soutien à l’avancement global du Pacte ? Où et quand considèrerons-nous que nous sommes un pont trop loin et que, si on lâche, le Pacte ne pourra plus tenir ses objectifs ? Terriblement difficile à apprécier…
La conviction qu’il n’y a pas de voie simple pour réformer l’école en FWB : que l’histoire belge s’écrit avec des majorités politiques pratiquement toujours composites qui ont donc des visions différentes de la société et des missions de l’enseignement obligatoire.
Et puis aussi, la conscience que la Belgique est un État faible et récent, qui peine à reprendre du pouvoir sur les initiatives de terrain (création d’écoles et de réseaux, initiatives sociales, santé, accueil des demandeurs d’asile, etc.) qui préexistaient et à les intégrer dans une politique publique qui les subsidie et les reconnait via un cadre normatif qui les transforme en porteurs de missions déléguées de service public.
Ces réalités ne permettent pas de tracer un chemin plus direct et plus radical de réformes, même si ce serait bien nécessaire pour avoir une chance d’aboutir…
En d’autres mots, même si tous les acteurs (de la majorité politique comme de l’enseignement) étaient complètement d’accord sur la nouvelle partition à jouer, le chemin resterait malgré tout long et compliqué parce que transformer en profondeur un système scolaire est un travail titanesque.
Et accord il y a, puisqu’il y a accord de gouvernement [2]La déclaration de politique communautaire qui annonce la poursuite du Pacte avec des inflexions particulières amenées, pour mémoire, par le nouveau partenaire libéral. et accord entre les acteurs institutionnels de l’enseignement sur la feuille de route du Pacte. Mais, c’est un accord qui comporte (volontairement ?) des zones de flou qui ont permis de tomber d’accord sans l’être vraiment.
Faut-il percer l’abcès ou (laisser ?) penser que ça va aller comme ça ?
Notes de bas de page
↑1 | Les plans de pilotage sont fort probablement les pierres angulaires du changement s’ils donnent véritablement lieu à cette mise en abyme, pas s’ils sont exécutés comme un devoir administratif de plus à remplir. |
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↑2 | La déclaration de politique communautaire qui annonce la poursuite du Pacte avec des inflexions particulières amenées, pour mémoire, par le nouveau partenaire libéral. |