Le jeu de la marchande

Après une balade en forêt, nous profitons des trésors récoltés pour apprendre à compter. Allons faire nos courses au magasin des marrons.

Le jeu de la marchande fait partie des jeux d’imitation du monde adulte aussi appelés jeux symboliques que l’on met facilement en place dans une classe maternelle. Ce jeu ou l’on faitsemblant depeut paraitre anodin, mais il permet un réel apprentissage du nombre et des opérations. On peut aussi continuer à y jouer en primaire…

Variation d’automne

Il y a plusieurs façons d’y jouer et chaque manière développe différents objectifs. Du jeu symbolique qui permet de développer les compétences langagières en étoffant le vocabulaire et la syntaxe d’une phrase, en passant par les règles de politesse, l’expression orale et l’audace. Il est possible de le faire évoluer vers des compétences fondamentales dans la construction du nombre telles que le dénombrement, l’apprentissage des mots nombres, l’utilisation des différentes représentations du nombre, l’organisation de la chaine numérique et l’usage pertinent du vocabulaire mathématique pour comparer des collections tels que : autant que, plus que, moins que… Ce jeu permet également d’identifier les fonctionnements de chaque élève. Certains vont pratiquer la correspondance terme à terme directement sur le support, d’autres vont prendreplein pour être surs et vont travailler rétroactivement en enlevant letrop, d’autres vont s’appuyer sur la litanie des nombres et vont probablement devoir recompter plusieurs fois. Chaque stratégie est intéressante et utile afin de pratiquer des observations pour réajuster les apprentissages et identifier les difficultés.

« Certains vont pratiquer la correspondance terme à terme, d’autres vont prendre plein pour être surs. »

Dans ma classe, j’ai des élèves de 1re, 2e et 3e maternelle. Ce jeu est parfait pour travailler en progression les compétences liées à la découverte du nombre compulsées dans le nouveau référentiel des compétences initiales.

Marrons à vendre

J’ai créé des cartes qui servent de liste de courses.

Pour les plus petits, ce sont des photos de marrons disposés sur un plateau :

  • cartes avec 1, 2, 3, 4, 5 marrons alignés;
  • cartes avec 1, 2, 3, 4, 5 marrons en «désordre»;
  • cartes avec de gros points colorés disposés comme sur le dé;
  • cartes avec de gros points colorés en désordre.

La difficulté est croissante en fonction du nombre choisi et de l’organisation proposée des points colorés.

Pour les plus grands, les cartes représentent les différents schèmes1 jusqu’à 10 ou les chiffres.

Des trajets utiles

Je dispose le magasin en dehors de la classe et je donne un petit panier de course à l’élève. La classe étant la maison, il doit donc sortir pour se rendre au magasin. En fonction du niveau de l’élève, j’adapte ma demande. Pour débuter, je donne la liste avec un marron en photo et l’enfant peut garder la liste en main pour aller au magasin. Il doit donc faire le chemin, prendre le bon nombre et revenir pour vérifier son action. Évidemment, souvent, le panier déborde et il y a trop de marrons. C’est très utile comme situation, car c’est le moment précis où l’enfant ajuste son action et la verbalise. L’élève va poser des mots tels que : j’ai pris 2 marrons et ma carte est remplie, c’est la même chose, j’ai pris la même chose. Certains élèves diront j’ai pris beaucoup pour remplir mon panier, d’autres savent très bien visualiser 1, 2 ou 3, mais après 3 sont perdus et disent «beaucoup» s’en suit un dénombrement pertinent. Un autre dira : «J’ai tout pris, il n’y en a plus » et l’adulte va lui demander : « C’est combien tout ? Comment va-t‑on les compter? » Tous ces allers-retours permettront la conceptualisation du nombre. Le soutien de l’adulte favorise l’usage des termes mathématiques précis des nombres et des grandeurs. Ensuite, la liste reste à la maison afin de forcer l’élève à mémoriser le nombre et à s’en faire des représentations mentales pour s’en souvenir.

Plus tard, il est possible de corser le jeu avec plusieurs situations. Par exemple, je peux donner plusieurs listes de courses avec des marrons, des points ou des chiffres afin que l’élève doive faire des additions. À nouveau l’enfant, dans un premier temps, prend la liste puis doit la laisser à la maison.

Parfois, j’ai l’occasion de travailler en partenariat avec un autre adulte. Un des adultes prend la place du vendeur de marrons et met en place un jeu mathématique. Par exemple : « Bonjour Julie, de quoi as-tu besoin? » Julie répond : « Bonjour, j’ai besoin de 3 marrons. » Pendant qu’il donne les marrons, le vendeur compte tout haut en donnant les marrons et demande à l’élève de lui dire stop quand il a donné le bon compte. Le vendeur peut également faire exprès de se tromper pour attirer l’attention de l’enfant. L’adulte peut compter 2 par 2. L’élève doit donc demander saquantité, la mémoriser, la verbaliser, la vérifier et puis ramener sa cargaison à la maison. À la maison, les courses sont à nouveau vérifiées avec l’autre adulte.

Ce jeu peut aussi se pratiquer entre enfants de niveau différents. Les observer, les écouter et discuter est toujours un régal!