Comme annoncé dans la déclaration de politique communautaire, le décret inscription est en passe d’être revu. Il le sera en deux temps : pour la phase transitoire qui court jusqu’à l’arrivée du tronc commun au début de l’actuel secondaire, et ensuite, plus durablement, sous le régime du tronc commun.
Ce qui est sur la table est le résultat d’un rapport de forces entre les partis politiques au pouvoir en FWB : entre ceux qui sont pour sa suppression pure et simple, pour le retour à la liberté totale de faire son shopping scolaire et ceux qui voudraient plus de régulation des inscriptions, pour plus de justice scolaire, mais qui ne sont quand même pas très à l’aise aux entournures, car le décret n’a pas bonne presse. Y compris dans l’électorat socialiste et écolo où bon nombre de ces parents sont écartelés entre leurs principes qui les tirent vers plus d’égalité d’accès et leur souci de parents d’avoir libre accès à ce qu’ils pensent être le meilleur pour leurs enfants.
Sur ce dossier qui suscite beaucoup d’émoi dans le monde politique et dans la population, il y a deux points sur lesquels tout le monde est d’accord :
Le décret inscription ne tient pas ses promesses : s’il crée un cadre et une procédure commune pour l’inscription en première secondaire, il ne crée qu’un peu plus de mixité sociale durant le 1er degré, dans certaines écoles convoitées, mais elle est souvent de courte durée. Parmi les élèves de milieux populaires ayant réussi à y prendre pied, bon nombre sont rejetés à la mer, à la fin du 1er degré : il ne suffit pas de démocratiser marginalement l’entrée pour assurer leur réussite.
Si toutes les écoles étaient aussi désirables, l’enjeu disparaitrait, la question ne se poserait pratiquement plus. Et c’est bien à cela que sont arrivés les systèmes scolaires qui produisent de la qualité pédagogique et un écart faible entre les niveaux d’apprentissage des enfants socioéconomiquement favorisés et défavorisés.
Bien sûr, la période ultérieure[1]Sous le régime du tronc commun. devrait aider à y arriver si toutes les mesures prévues pour l’amélioration du système et la réduction des inégalités scolaires dans le Pacte aboutissent, notamment parce que, avec le retard de la filiarisation, l’offre des écoles secondaires convergera forcément. Ce qui sera fondamental, c’est de mettre en place des écoles du tronc commun[2]Des écoles qui offriront un cursus de 12 ans, dans les mêmes bâtiments, en mettant en place les conditions pédagogiques pour l’acquisition d’un même socle de compétences. distinctes physiquement des écoles qui offriront le cycle secondaire supérieur de transition ou de qualification. Et ce n’est pas réglé…
Sortir du marché scolaire et de la lutte des places
L’enjeu pour le décret inscription est donc : quelles mesures peuvent être prises pour soutenir au mieux la progression de notre système scolaire ? La sortie du marché scolaire[3]La sortie de la concurrence entre écoles pour se profiler et attirer un certain public. , certainement. Pour cela, s’inspirer du modèle flamand des LOP[4]LOP = Lokale OverlegPlatforms – lire à ce propos https://cutt.ly/BjWidZ8 pour mettre en place des commissions d’inscription zonales qui réunissent toutes les écoles d’un territoire et les autres acteurs concernés est prometteur. Mais, à deux conditions qui ne nous semblent pas figurer dans l’avant-projet de décret : le caractère obligatoire pour les écoles et le fait de ne pas augmenter le nombre de places au-delà des nécessités de variation démographique dans les zones en tension.
Faire converger les écoles va nécessiter beaucoup de force et de détermination politique partagée, car notre système de distribution des places est bien ancré, et dans les esprits et dans les pratiques, du politique comme de la population[5]Obligation d’être plus solidaires et de participer sinon sanctions économiques importantes..
À CGé, nous insistons, depuis le début du Pacte, sur le fait que ces changements nécessaires ne se feront pas à l’insu d’une partie du monde politique, des grands acteurs de l’enseignement ni de la population. Ils nécessitent l’adhésion autour d’un nouveau projet commun qui est incompatible avec le tiraillement actuel entre deux objectifs contradictoires pour l’enseignement obligatoire[6]https://cutt.ly/8jWiYLR : d’une part, promouvoir l’intégration de chacun et son accès à une culture commune et, d’autre part, préparer à des positions sociales et professionnelles distinctes et hiérarchisées.
Si les citoyens-parents et les partis pour lesquels ils votent faisaient réellement ce choix, ils ne devraient plus faire de bras de fer pour conserver les privilèges que leur donne la poursuite précoce de ce deuxième objectif et ils pourraient investir leur énergie dans le soutien des conditions qui permettent d’atteindre le premier objectif !
Lire dans la proposition de modification du décret actuel que le politique veut à la fois mettre en place un mécanisme plus simple, plus transparent et plus respectueux de la liberté de choix des parents, tout en rencontrant mieux les objectifs de mixité et d’égalité montre clairement que le choix n’est toujours pas tranché ni assumé.
S’il ne l’est pas, le Pacte échouera fort probablement.
Notes de bas de page
↑1 | Sous le régime du tronc commun. |
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↑2 | Des écoles qui offriront un cursus de 12 ans, dans les mêmes bâtiments, en mettant en place les conditions pédagogiques pour l’acquisition d’un même socle de compétences. |
↑3 | La sortie de la concurrence entre écoles pour se profiler et attirer un certain public. |
↑4 | LOP = Lokale OverlegPlatforms – lire à ce propos https://cutt.ly/BjWidZ8 |
↑5 | Obligation d’être plus solidaires et de participer sinon sanctions économiques importantes. |
↑6 | https://cutt.ly/8jWiYLR |