Étant passionnée par l’informatique et le multimédia, j’ai décidé d’utiliser ces outils pour développer, petit à petit, l’esprit critique de mes élèves de maternelle. Et quel est le meilleur sujet pour toucher des enfants de deux ans et demi à quatre ans ? Eux-mêmes évidemment ! Voici deux expériences vécues en classe durant les dernières années.
La première expérience a été réalisée lors de la fête des Mères. Nous avions construit un cadre dans lequel il y aurait une photo de chaque enfant.
Je les ai conviés à se placer, un à un, devant une armoire afin d’avoir un fond uni. Ensuite, je leur ai montré leur photo.
À la maison, j’ai retravaillé ces photos en détourant les enfants et en les plaçant sur un fond représentant une plage. Je les ai imprimées.
« Parfois, des photos qui semblent vraies peuvent être des trucages. »
Le lendemain, je les leur ai montrées. Ils étaient très curieux de les découvrir. Ils étaient admiratifs, mais ne semblaient pas se poser de question par rapport au fond représentant la plage. C’est donc moi qui les ai interpelés pour savoir si nous étions réellement partis faire les photos à la mer. Certains étaient perplexes et m’ont dit que, normalement, nous les avions faites devant l’armoire. D’autres m’ont répondu qu’effectivement, nous étions bien partis à la mer… Peut-être faisaient-ils référence à une activité vécue en famille ?
Je leur ai expliqué que c’était un trucage et que j’avais utilisé mon ordinateur pour découper leur photo et la coller sur ce fond.
Certains enfants ont compris et m’ont dit : « Ah oui, c’est pour du faux que nous sommes allés à la mer », mais d’autres ne se sont posé aucune question ou en tout cas ils n’ont rien dit. Cette démarche n’était peut-être pas assez concrète pour eux.
Pour la seconde expérience, j’ai utilisé un logiciel informatique adapté aux enfants des classes maternelles, me permettant de les transformer en personnages peints par des peintres célèbres.
Nous étions dans un projet « tour du monde » et nous étions arrivés en Italie où nous avions découvert la Joconde de Leonardo da Vinci. Nous avions également découvert le portait d’Armand Roulin, peint par Vincent van Gogh.
J’ai expliqué aux enfants que, grâce à mon ordinateur, j’allais pouvoir les transformer en œuvre célèbre de da Vinci ou van Gogh.
Cette fois — ci, tout le travail allait se passer devant eux. Voici le déroulement de cette métamorphose.
J’ai photographié un enfant devant mon armoire. J’ai chargé cette photo dans mon ordinateur et je la lui ai montrée. Ensuite, grâce au logiciel, en deux ou trois clics, l’enfant s’est transformé en Joconde devant les yeux de tous. J’ai renouvelé cette expérience avec chaque enfant ; les filles en Joconde et les garçons en Armand Roulin. Ils trouvaient cela très amusant !
Le lendemain, lorsque je leur ai présenté les photos imprimées je leur ai demandé si Leonardo da Vinci et Vincent van Gogh étaient vraiment venus peindre leur portrait en classe. Ils m’ont répondu : « Ben non, Madame, c’est ton ordinateur qui a fait ça. » Nous avons conclu cette séance en se disant que, parfois, des photos qui semblent vraies peuvent être des trucages, du faux comme ils le disent eux-mêmes.
Lors de l’exposition présentée aux parents, j’ai pu entendre certains enfants expliquer à leurs parents que nous avions faits des photos pour du faux. Là, je me suis dit que mon objectif pour cette activité était atteint.
Dans ma classe, avec mes petits élèves, je suis donc soucieuse de travailler cette compétence d’esprit critique. Ça commence là. La société a changé. Avec l’émergence des réseaux sociaux et la présence d’internet, on ne peut plus faire comme avant. L’école maternelle a un rôle à jouer. C’est aussi une manière de contribuer à répondre aux inquiétudes des parents concernant les dangers liés à ces nouvelles technologies et aux changements qu’elles produisent dans nos vies.