Le stage PI, c’est une semaine assez intense, un dispositif de formation comme je n’en avais jamais expérimenté : être dans la situation d’éprouver la nécessité et l’efficacité d’un cadre pédagogique permettant de travailler collectivement en gérant les désirs de chacun. Participer au stage PI ?
Discuter, se questionner, s’affairer dans tous les sens et rentrer chez soi épuisé en plein mois d’aout ? Ca vaut le coup.
Dès le document d’inscription, il est demandé à chaque participant de s’engager à participer effectivement aux activités décrites. Plutôt évident, pourquoi m’inscrire à un stage pour ne pas y participer ? Avec le recul, je comprends l’importance de ce contrat qui nous empêche de faire les « touristes » (comme diraient mes élèves) d’être présents sans nous investir dans le travail demandé. C’est fou comme le désinvestissement d’une seule personne suffit à déstabiliser tout un groupe ! Le contrat signé au préalable sert de garantie de formation, rappelant aussi à chacun qu’il est capable de respecter ses engagements.
Le premier et le plus beau document reçu pendant le stage est sans conteste l’horaire. Avec ses couleurs vives et ses petites cases bien rangées, il rassure et inquiète dès le premier jour : on va faire tout ça !? Les tranches horaires sont serrées pour certaines activités (5 minutes de « radio rencontre » ? Que peuvent bien faire 40 personnes en 5 minutes ?), mais elles définissent des lieux et des temps autant pour travailler et apprendre que pour se détendre et se divertir.
Tous respectent l’horaire qui permet à chacun d’être respecté. Les absences et les retards ne sont jamais passés sous silence, les petits manquements sont sanctionnés par au moins une parole et les plus grands (ou plus répétitifs) par une réparation. Une inspiration pour la classe cette idée de réparation, non de punition, qui se négocie en tête à tête. Elle permet à celui qui a pris du temps « pour lui » de reprendre sa place dans le groupe en offrant de son temps à la collectivité.
Malgré son apparence despotique, la rigueur de l’organisation est sécurisante. L’aménagement précis et le respect de l’horaire montrent qu’il est possible de produire un travail de qualité en peu de temps (au prix de quelques frustrations évidemment). Ce cadre strict est motivant et génère l’efficacité. Et puis, se retrouver tous à la même heure au même moment, à la minute près, c’est épatant !
Durant 6 jours, pas de formateurs, mais des « responsables », car personne ne forme personne, chacun se transforme au contact de l’autre ou du dispositif de formation. Ils renoncent à avoir un impact éducatif sur chacun, c’est la machine collective qui sera formatrice. Tous ces formateurs qui n’en sont pas ont comme des airs de conspirateur.
Sans être assommés de textes et de documentations, les apprentissages sont conséquents et dépendent de notre vécu de participant : chacun fait sa propre expérience des enjeux du vivre ensemble et utilise selon son besoin les moments prévus pour exprimer ou analyser ce vécu. Les contraintes (respect de l’horaire, objectif à atteindre) sont exigeantes, mais le dispositif de formation n’est pas contrôlé par les « responsables ».
Difficile de se retrouver dans la position de l’élève, de l’apprenant qui ne sait pas où il va et doit se laisser guider. Je me surprends à faire ce que je reproche aux élèves comme foncer dans le travail sans lire attentivement la consigne…
Très vite, je commence à observer mon comportement, cherchant comme tout le monde ma place et ma part de reconnaissance. Tous admirent mon enthousiasme, mais ce dévouement n’est-il pas un moyen de m’arroger plus de pouvoirs ? Prendre les choses en main ne me permet-il pas de faire avancer le travail comme je l’entends ? Le pouvoir se cache partout (et ce sont parfois les plus silencieux qui imposent le plus fort).
Les conflits n’apparaissent pas dès les premiers jours, un peu comme un début d’année avec les élèves, nous nous faisons des politesses. Mais bientôt, au bout de quelques frustrations accumulées (du temps perdu à parler, une objection qui n’a pas pu être partagée) sur fond de fatigue et de stress, des tensions apparaissent. Après avoir fait semblant de ne pas les voir, elles commencent à gêner et tout le groupe est forcé d’y toucher. Approcher et dépasser ces inévitables conflits est une étape obligée pour se (re) mettre au travail.
Le vertige de l’organisation démocratique, une expérience marquante : prendre des décisions en réelle concertation, jamais sous la table ou dans un couloir (c’est si vite arrivé et souvent à notre insu). Dur de tenir compte de chacun, de ne pas empiéter sur la place des autres. Aïe, que c’est long et lent la véritable démocratie ! Nous apprenons alors à partager le pouvoir, à le saucissonner en responsabilités, à faire confiance et déléguer parce que l’organisation collective nécessite de contraindre l’individu. Désigner un « président » pour réguler et organiser nos discussions devient essentiel et agréable.
Depuis ce mois d’aout, je suis plus attentive à la place que j’occupe et porte un regard différent sur mes classes. Quelques habitudes se sont installées : un ordre du jour, une attention aux prises de parole… Lentement, la formation opère ses transformations. Pas de prodige ni de pédagogie miracle en vue et c’est tant mieux. La PI ne balaie pas tout sur son passage, elle nous questionne et nous permet de faire évoluer nos propres pratiques pédagogiques.