La répartition des heures de FLA s’est faite de manière quasi linéaire. Est-ce un manque de compréhension des concepts ? Des enjeux ? Les deux ? La diminution des inégalités scolaires ne semble pas être un combat très partagé…
Pour la bonne compréhension de tous, rappelons brièvement ce que sont le FLA et le FLE
Par FLA, on entend français langue des apprentissages, plus concrètement le niveau de maitrise de la langue attendu par l’École, qui traverse tous les apprentissages et est une nécessité pour pouvoir comprendre les consignes, apprendre valablement ;
Par FLE, on entend français langue étrangère, soit le français enseigné aux personnes récemment arrivées sur le territoire et qui ne parlent pas du tout la langue.
Le besoin en FLE concerne les enfants primoarrivants, quel que soit le profil socioculturel des familles. Il est pris en charge dans les Daspa.
Le besoin en FLA ne concerne, en principe, que les enfants issus de familles défavorisées sur le plan socioculturel et socioéconomique, issus de familles dont les codes sont éloignés de ceux de l’école. Leur façon de pratiquer la langue — en termes de vocabulaire et de syntaxe — est adaptée aux échanges du quotidien, mais ne répond pas aux attentes de l’école.
Nous étions tellement heureux que le Pacte l’ait compris et ait prévu cette attention au FLA et les moyens financiers pour le mettre en œuvre.
Mais première déconvenue : le Pacte a prévu de rencontrer ce besoin de FLA en donnant du capital période — lié au nombre d’élèves détectés en besoin de FLA par école — pour embaucher un enseignant chargé de donner les heures de FLA… Ça a créé deux problèmes ponctuels : des enseignants qui ont pris cette charge n’étaient pas forcément formés pour, et étant donné la pénurie d’enseignants, ça a parfois provoqué un déplacement d’enseignants plus qu’amené du renfort dans les équipes éducatives.
Deuxième déconvenue : le Pacte a prévu de détecter les enfants ayant besoin de FLA sur la base d’un test que les écoles ont fait passer à leurs élèves, donc avec zéro visibilité du pouvoir régulateur sur la façon dont ça s’est passé dans les écoles… Le résultat a été l’annonce de 99 000 élèves concernés, presque six fois plus que les 17 000 élèves prévus, ce qui a fait exploser le budget prévu[1]Dépassement budgétaire de 80 millions… initialement et a amené la FWB à réduire le nombre d’années scolaires durant lesquelles les élèves peuvent bénéficier du FLA. Et cette réduction s’est appliquée à toutes les écoles, quelle que soit leur classe d’indice socioéconomique.
Et pourquoi cette mesure linéaire alors qu’il est tellement évident que les besoins sont totalement différents entre des écoles scolarisant les 20 % des élèves les plus pauvres et des écoles scolarisant les 20 % les plus favorisés ? Parce que les directions/PO ont menacé de renvoyer vers d’autres écoles les élèves qu’ils disaient mal maitriser la langue s’ils ne recevaient pas ces moyens… Mais, ne le font-ils pas déjà ? Et le Pacte ne s’est-il pas fixé explicitement comme ambition d’empêcher la décharge en cascade d’une école sur une autre ?
CGé n’a pas osé moufter depuis l’implantation du FLA, de peur de fragiliser la mesure tellement nécessaire pour les enfants de milieux populaires. Nous avons juste demandé pourquoi avoir mis des profs de FLA plutôt que de se donner les moyens de sensibiliser et de former toutes les équipes éducatives à cette importance du développement langagier ? C’est tous les enseignants qui peuvent et doivent agir dans leurs interactions avec leurs élèves. Nous n’avons pas été entendus.
Mais, c’est en consultant le tableau[2]Répartition FLA par ISE :
1 7,12%
2 7,2%
3 6,85%
4 6,9%
5 6,94%
6 6,71%
7 6,22%
8 5,4%
9 5,07%
10 4,79%
11 5,11%
12 4,46%
13 4,27%
14 3,74%
15 3,58%
16 3,51%
17 3,78%
18 3,12%
19 2,58%
20 2,16% de répartition des heures de FLA 2022 que nous avons été sidérés !
Prenons 4 chiffres de référence :
Ces chiffres sont incompréhensibles…
Pratiquement tous les enfants sont concernés dans les écoles qui scolarisent les élèves les plus défavorisés. Et si vous vous êtes déjà rendus dans des écoles qui scolarisent les élèves les plus favorisés, ils ne sont pas exemptés de difficultés d’apprentissage, mais aucun n’a de problèmes de niveau langagier de type FLA ou c’est tellement anecdotique qu’ils peuvent être pris en charge directement par l’enseignant sans nécessiter de périodes supplémentaires.
À moins que… à moins qu’on ne soit toujours dans la confusion entre FLA et FLE !
Cela expliquerait le pourcentage d’élèves dits en besoin de FLA — en fait FLE — dans les écoles favorisées. Et expliquerait pour partie le faible pourcentage d’élèves dits en besoin de FLA — en fait FLE dans les écoles défavorisées. Car le pourcentage d’élèves primoarrivants est très important à Bruxelles, mais certainement beaucoup plus faible en Wallonie et bon nombre d’entre eux sont dans des Daspa.
Ne pas accepter de donner la priorité d’accès à ces moyens n’augure rien de bon concernant la volonté de tous les acteurs de l’enseignement d’œuvrer solidairement à la réduction des inégalités scolaires qui constituent pourtant le premier mal avéré de notre École.
C’est notamment ce que les parents de milieux populaires et les organisations qui les soutiennent iront dire à tous les décideurs de l’enseignement le 27 avril.